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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/865

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LES CÉSARS.

sultent les frontières de l’empire, et harcèlent ce grand corps, qui, mal gouverné, ne se défend qu’avec lourdeur. Chaque jour depuis, la tâche des empereurs, en combattant les barbares, devint plus sérieuse, et les derniers Césars, plus courageux en général et plus dignes, purent rejeter leurs affronts sur les Césars de la première race.

Mais, si abaissées qu’elles fussent, au jour où Néron dut périr, ce furent les provinces qui donnèrent le signal aux légions. La Gaule, riche et vigoureuse, entrée fortement dans la vie romaine, déjà ruinée sous Caligula, accablée d’impôts par Néron, secoua la tête. Ces hommes, nos aïeux, étaient « d’une âpre et difficile nature, embarrassante pour les Césars, quand ceux-ci manquaient de pudeur, de mesure ou de dignité[1]. » Le propréteur Vindex, Gaulois de naissance et descendant des anciens rois d’Aquitaine, au lieu d’une armée qu’il n’avait pas, convoqua une assemblée nationale. Ces vieilles races celtiques s’indignèrent à l’entendre parler de cet empereur qu’il avait vu chanter et déclamer sur la scène. Tout le centre de la Gaule, Arvernes, Séquanais, Viennois, prirent les armes, et Vindex eut autour de lui cent mille hommes. Mais toute nationalité était faible contre Rome. Il fallait que cette révolte d’une « province désarmée[2], » de nationale devînt militaire. Aussi Vindex fit-il un appel aux chefs de troupes romaines ; il écrivit à Galba, proconsul d’Espagne, lui demandant de « se mettre à la tête du genre humain. » Galba, ancien noble (il descendait de Pasiphaé, mère du Minotaure, ce qui constituait, sans doute, une très illustre origine), vieux soldat, qui s’était confiné dans d’obscures victoires sur les Bretons et les Africains, pour échapper à la cruauté de Caïus et au dépit amoureux d’Agrippine, envoyé dans l’Espagne tarragonaise en un temps où Néron « ne craignait pas encore les hommes placés haut[3] ; » Galba n’avait pas tardé à s’y effacer : il ménageait les traitans qu’il soupçonnait d’affinité avec Néron ; d’un autre côté, il plaignait le pauvre peuple, laissait circuler des satires contre le prince, et, dans la crainte d’une disgrace, ne voyageait pas sans un million sest. en or. Un tel homme ne pouvait devenir empereur qu’en un péril extrême ni se révolter que par prudence. — Or, il reçut à la fois la lettre de Vindex, une autre du gouverneur d’Aquitaine qui l’appelait à son secours

  1. Mentes duræ, retorridæ, et sæpe imperatoribus graves. (Lamprid., In Alex. Sever., 59.) — Quibus insitum, leves et degenerantes a civitate romanâ et luxuriosos principes ferre non posse. Pollio. (Gallien, 4.)
  2. Inermis provincia. (Tacit., Hist., I. 46.)
  3. Plut., In Galb.