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SALON DE 1839.

digne du corps éminent à qui elle est attribuée. Est-il besoin de réunir l’élite des artistes d’un pays pour leur demander leur avis sur une multitude de croûtes dont l’appréciation du premier marchand de tableaux ferait bonne justice ? Remarquez que ce jury, que la classe des beaux-arts de l’Institut est à la fois juge du mérite artistique des ouvrages qu’on lui soumet et juge de leur convenance. Elle peut se trouver chargée d’apprécier si un sujet est immoral ou indécent, séditieux même. Encore une fois, pareil examen a quelque chose qui répugne, et l’on m’assure que plusieurs honorables membres de l’Institut s’en abstiennent. N’est-ce point un reproche indirect qu’ils adressent à leurs confrères et une occasion de division dans une compagnie honorable ? Voilà pour l’Institut. De leur côté, les exposans peuvent alléguer que la responsabilité des décisions se trouvant partagée entre un grand nombre de personnes, s’annulle en réalité, et que l’on ne peut en appeler d’une injustice, si jamais il s’en commet, quand elle se partage entre quarante juges. Je proposerais donc qu’une seule personne exécutât le triage nécessaire. Chez nous il n’y a qu’un juge dans chaque tribunal et l’on s’en trouve bien. — Mon censeur, ou si ce nom déplaît, on lui en donnerait facilement un autre, examinerait les ouvrages envoyés à l’exposition par les artistes qui ne se trouveraient pas dans la catégorie que j’ai établie tout à l’heure. Il devrait en même temps juger la convenance de tous les sujets présentés veillant ainsi aux mœurs et au maintien des lois. En un mot, ses pouvoirs seraient aussi étendus que le sont ceux de nos maîtres des cérémonies dans les bals de souscription qu’on donne à Bath ou à Cheltenham. Ils refusent l’entrée de la salle de danse aux gens en bottes. Pour eux mise décente est de rigueur. Ils interprètent à leur gré cette injonction. Pourquoi se révolterait-on contre cette espèce de dictature ? Ici, comme en Angleterre, un auteur ne peut faire jouer une pièce sans qu’un censeur ne l’ait au préalable revêtue de son paraphe approbateur. Je sais bien qu’à cette occasion, maint petit homme de lettres s’indigne et crie qu’on enchaîne son génie ; mais les gens de sens approuvent fort la censure et comprennent qu’on ne saurait s’en passer. S’ils ont des filles de seize ans, ils la trouvent souvent trop indulgente. Or, je ne sais pas pourquoi les peintres seraient autrement traités que les gens de lettres. Observez encore que le Musée est une maison royale, et que par conséquent le roi, ou pour mieux dire son délégué, a parfaitement le droit d’y admettre qui bon lui semble. En fait, celui qui aurait le malheur de déplaire au commissaire royal, ne serait pas plus reçu à se plaindre