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qu’il ne l’est aujourd’hui, si M. l’intendant de la liste civile ne lui achète pas ses tableaux. De gustibus non disputandum, cet adage reste pour la consolation des artistes malheureux. D’ailleurs, en dernière analyse, ce pouvoir discrétionnaire que je demande pour un censeur ou un maître des cérémonies, existe déjà de fait. M. le directeur des musées royaux n’a-t-il pas la charge de l’arrangement matériel de l’exposition ? N’est-ce pas lui qui désigne la place que doit occuper chaque tableau ? Or, le Musée est si singulièrement construit, qu’en plein midi il y a des travées où l’on ne peut lire l’heure à sa montre. On y met pourtant des tableaux. Là un chef-d’œuvre demeurerait parfaitement inconnu. Il faut croire que le fonctionnaire auquel je fais allusion est doué d’une remarquable impartialité, car ses décisions n’excitent pas assurément autant de réclamations que celles du jury.

En résumé, je ferai en toute humilité les quatre propositions suivantes :

1o  Qu’une portion du Musée déterminée d’avance soit affectée aux expositions ;

2o  Que nul artiste ne puisse exposer plus de trois tableaux, statues ou bas-reliefs (un cadre de miniatures comptera pour un tableau) ;

3o  Que les artistes qui ont reçu des médailles, obtenu des prix, ou qui présentent un tableau commandé par le gouvernement, soient admis sans autre examen que celui qu’exigent les considérations de morale publique ou de politique ;

4o  Enfin, que cet examen, comme aussi l’appréciation du mérite artistique des ouvrages présentés par des débutans, soit dévolu à un commissaire royal.

J’ai dit.

Je suis Anglais, j’habite Londres ; mais je viens souvent à Paris ; naturellement je n’ai pu suivre, aussi bien qu’un artiste français eût pu le faire, les progrès ou les modifications qui depuis quelques années se sont manifestées dans l’école française. Aussi j’ai peine à me rendre compte de la transformation remarquable qu’a subie le talent de M. Ary Scheffer. Je me souviens d’avoir vu, il y a plusieurs années, quelques tableaux de lui, dans une manière tout-à-fait différente de celle qu’il paraît adopter aujourd’hui. Si ma mémoire est bonne, ses premières compositions annonçaient un homme de beaucoup d’esprit, plus poète que peintre, habile dans le choix de ses sujets, et comp-