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LETTRES POLITIQUES.

de première classe étaient admis par le gouvernement à fournir en hypothèque sur leurs immeubles le cautionnement qu’on devait déposer jusqu’à la sortie des marchandises. Cette mesure favorable aux Russes qui faisaient payer des intérêts considérables aux marchands étrangers, empêcha le transit de prendre autant d’essor qu’autrefois ; mais ce passage de marchandises était devenu important pour les provinces transcaucasiennes, et un oukase ayant donné de grands priviléges aux marchands de cette partie de l’empire, les marchandises étrangères y furent dirigées par terre. Les marchands de Leipsig se rendaient aussi à Trieste, d’où ils expédiaient leurs transports à Redout-Kalé ; mais les fabricans russes, grands amis des prohibitions, comme tous les fabricans du monde, réclamèrent, et des entraves furent mises à la circulation des produits étrangers. Toutes les marchandises expédiées en transit à Odessa furent soumises immédiatement aux droits, tandis qu’on ne les acquittait jusqu’alors qu’à la sortie, moyennant un cautionnement qui exigeait le paiement de quelques intérêts, mais non des avances considérables, et l’importation cessa de la sorte presque entièrement. Ce fut alors que le commerce étranger, particulièrement celui de d’Angleterre, prit la route de Trébizonde.

Le but des mesures de restriction prises par le gouvernement russe, en 1831, était d’ouvrir une voie aux produits des manufactures russes, en Perse, en Turquie et dans le midi de l’empire ; mais les fabriques russes produisaient encore peu et produisaient mal. Jadis les Arméniens venaient acheter des produits russes à Makarief ou à Novgorod-la-Neuve, en remontant la Volga depuis Astracan, et, la redescendant, ils gagnaient quelque port méridional de la mer Caspienne, d’où ils se rendaient, en peu de jours, par terre, à Tiflis ou à Tauris. Ces temps étaient passés, et on ne les vit pas revenir. Depuis que les ports transcaucasiens avaient été ouverts aux marchandises étrangères, les Arméniens s’étaient accoutumés à acheter de bonnes marchandises à bon marché, et ces infatigables marchands aimèrent mieux se rendre à Leipsig, et faire venir leurs marchandises par Trieste et Trébizonde jusqu’à Tauris. Les marchands russes eux-mêmes firent ce commerce, et le relevé des douanes de Tauris pour 1833 prouve qu’ils sont venus y vendre pour 433,000 roubles de marchandises de Leipzig, et 261,110 roubles de marchandises anglaises et autres achetées à Constantinople. Le port de Trébizonde est devenu ainsi très florissant par l’effet même des mesures prises par le gouvernement russe, et a