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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/130

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REVUE DES DEUX MONDES.

tous les papiers d’état de quelque importance, toutes les affaires, tous les traités lui étaient déjà communiqués avant qu’il n’eût remplacé le prince Lieven près de la personne du grand-duc héritier. Arrivé à Constantinople, comme plénipotentiaire et commandant du corps d’armée d’expédition, le comte Orloff déclara avec gaîté qu’il arrivait comme la moutarde après dîné. Ce sont ses propres termes. Tout était fini à Constantinople, disait-il ; il n’y avait plus qu’à attendre les ordres de Saint-Pétersbourg, pour repartir bien vite comme on était venu. Ces ordres arrivèrent, le comte Orloff se félicita publiquement d’être débarrassé d’une mission désormais sans but, et ainsi devenue insignifiante, et le 11 juillet la flotte russe mit à la voile. Le comte Orloff emportait avec lui le traité d’Unkiar-Skelessi ! Quelque temps après, un Irlandais, membre du parlement, M. Shiel, prononça un discours sur les affaires d’Orient, et parla d’un traité qui venait d’être signé, disait-il, par le sultan et la Russie, en vertu duquel la mer Noire se trouvait interdite aux vaisseaux anglais ; à quoi lord Palmerston ayant répondu par une dénégation vraiment sincère, M. Shiel lui envoya un journal, le Morning-Herald où se trouvait l’indication de ce traité. Ce fut la première communication que reçut notre ministère à ce sujet, et le vôtre apprit sans doute l’existence du traité par la même voie. Est-il donc bien sûr, monsieur, que nos ministres sachent ce qui se passe à Constantinople en ce moment ?

Le premier partage de la Pologne n’est pas si ancien qu’on puisse en avoir oublié les circonstances. Les cours de Russie, de Prusse et d’Autriche traitaient directement depuis plusieurs années du partage de la Pologne, et la France ni l’Angleterre n’en étaient instruites. Ce ne fut que cinq ou six ans après, lorsque ces projets étaient mûrs, et toutes les dispositions du plan bien arrêtées, qu’un jeune Alsacien, employé dans les rangs les plus inférieurs de la légation française, à Vienne, eut connaissance, par hasard, du plan de partage. Le Morning-Herald n’existant pas encore, l’ambassadeur d’Angleterre l’apprit le dernier ; pour la France, le duc d’Aiguillon, alors ministre, traita de visions les avis de l’envoyé français. Pendant ce temps, les trois puissances échangeaient une déclaration par laquelle elles s’engageaient à admettre le principe d’égalité dans le partage. C’était au mois de mars 1772, et au mois d’août suivant, le traité de démembrement était conclu à Saint-Pétersbourg. Les résolutions des cours alliées ne furent publiées que deux mois après, à Varsovie, et la note tardive présentée au cabinet anglais par le duc d’Aiguillon qui