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DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE AU MOYEN-ÂGE.

Il est des genres littéraires qui n’ont pas cessé d’être exclusivement latins, même après l’avénement de la langue et de la littérature vulgaires. Telle est, par exemple, la théologie dogmatique, qui n’a pu déposer, au moyen-âge, son enveloppe, son écorce latine. Le latin était une langue pour ainsi dire sacrée ; et il faut aller jusqu’à l’évènement qui a clos sans retour le moyen-âge, jusqu’à la réforme, pour trouver un traité de théologie dogmatique en langue française ; il faut aller jusqu’à l’Institution chrétienne de Calvin.

La prédication se faisait tantôt en latin pour les clercs, tantôt en français pour le peuple. C’est dans l’homélie, le sermon, que la langue vulgaire a été employée d’abord, et cet emploi remonte jusqu’au IXe siècle ; mais le latin, comme langue de l’église, comme langue de la religion, semblait si approprié à la prédication, que longtemps après cette époque on le voit disputer la chaire à l’envahissement de la langue vulgaire ; et quand celle-ci s’en est emparée, il résiste encore. Le latin macaronique des sermons du XVe siècle, l’usage qui existe de nos jours, en Italie, de prononcer un sermon latin dans certaines solennités, enfin, jusqu’aux citations latines si souvent répétées dans nos sermons modernes, sont des témoins qui attestent avec quelle difficulté, après quels efforts de résistance long-temps soutenue, le latin a fait place à la langue française dans la prédication. Des compositions d’un autre genre, appartenant de même à la littérature théologique, se sont continuées en latin, et en même temps ont commencé à être écrites en français ; telles sont les légendes, traduites en général d’après un original latin, mais qui, dans ces traductions, prennent assez souvent une physionomie nouvelle, et même une physionomie un peu profane ; tournent au fabliau populaire, parfois même au fabliau satirique.

Il est une autre portion de la littérature du moyen-âge dans laquelle on voit aussi le français venir se placer à côté du latin, sans le déposséder entièrement : c’est tout ce qui se rapporte à la littérature didactique, soit morale, soit scientifique. Dans cette dernière viennent se ranger les recueils de la science du moyen-âge, qui portaient le nom de Trésors, d’Images du monde, de Miroirs, de Bestiaires, etc. Ces recueils étaient originairement en latin ; quelques-uns pourtant ont été rédigés ou en provençal ou en français. Le Trésor de Brunetto Latini fut écrit en français par ce réfugié toscan, à peu près en même temps que Vincent de Beauvais, confesseur de saint Louis, publiait en latin sa triple encyclopédie.

Quant à la philosophie proprement dite, elle a été, comme la théologie