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DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE AU MOYEN-ÂGE.

qui est purement d’imagination, d’inspiration spontanée, sans but ou religieux, ou moral, ou scientifique, ne procède pas de la littérature latine, mais de soi-même, et appartient en propre au moyen-âge français. Ainsi, la poésie lyrique, la poésie épique, les fabliaux, la satire, sont des genres dont on peut dire :

Prolem sine matre creatam,
qui n’ont pas d’antécédens latins, d’origine latine, qui surgissent spontanément dans la langue vivante et populaire du moyen-âge.

Passons du rapport du moyen-âge français avec la culture latine qui l’a précédé, à ses rapports avec les littératures étrangères contemporaines. Les influences qu’il a pu recevoir, si on ne considère que l’Europe, sont à peu près nulles. Au moyen-âge, nous avons beaucoup donné et très peu reçu ; si l’on tient compte de quelques traditions galloises qui ont dû se glisser en s’altérant beaucoup dans les romans de chevalerie, de quelques traditions ou plutôt de quelques allusions aux traditions germaniques qui y tiennent fort peu de place, on a évalué à peu près complètement tout ce que nous pouvons devoir aux autres nations européennes. En revanche, nous avons reçu beaucoup de contes de l’Orient, nous, comme tous les autres peuples de l’Europe, peut-être plus qu’aucun autre, et en outre c’est très souvent pour nous que la transmission s’est opérée. L’Espagne, où les points de contact établis avec les Arabes, soit directement, soit par l’intermédiaire des juifs convertis, ont dû amener de fréquentes communications entre l’Orient et l’Occident ; l’Espagne est à peu près le seul pays de l’Europe qui ait pu, au moyen-âge, je ne dis pas nous communiquer quelque chose du sien, mais agir sur nous indirectement, en important dans notre littérature des emprunts faits à l’Orient. À cela près, nous avons été constamment le véhicule par lequel les contes orientaux, transformés par nous en fabliaux, ont été disséminés dans le reste de l’Europe ; en sorte que, lors même que ce n’est pas nos propres créations que nous répandons autour de nous, nous sommes encore propagateurs en transmettant ce qu’on nous a transmis. Ainsi, la collection des Gesta Romanorum, dans laquelle se trouve un assez grand nombre d’apologues et de contes orientaux qui ont eu cours en Europe au moyen-âge, cette collection a été rédigée par un Français.

Il faut remarquer que cette portion de la littérature du moyen-âge est peut-être la plus piquante, mais à coup sûr est la plus frivole, et, sauf quelques influences de la poésie arabe sur la poésie