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champs, pour la récolte de ses foins et pour la moisson de ses blés ; c’était de sa part une suite continuelle de vexations. Comme ils réclamaient et jetaient les hauts cris, il leur signifia, pour toute réponse, que rien de ce qu’ils possédaient ne sortirait de chez eux, s’ils refusaient de défricher ses terrains incultes, d’enlever les mauvaises herbes de ses champs, et de faire la coupe de ses bois. Il exigea de chacun de ceux qui habitaient en-deçà du torrent deux poulets de cens annuel pour leur droit d’usage dans la forêt, et un seul poulet, de ceux qui habitaient au-delà. Les malheureux habitans sans défense furent obligés de faire ce qu’on leur demandait. Cependant, le roi étant venu au château de Soleure, ils s’y transportèrent et se mirent à pousser des clameurs en implorant du secours contre l’oppression. Mais les propos inconsidérés de quelques-uns d’entre eux et la foule des courtisans empêchèrent leurs plaintes d’arriver jusqu’au roi, de sorte que, de malheureux qu’ils étaient venus, ils s’en retournèrent plus malheureux encore[1]. » — « Ce ne fut que long-temps après, en 1106, ajoute l’historiographe, dont nous avons reproduit fidèlement le récit, que les religieux de Muri achetèrent tous les biens possédés à Wolen par Rodolphe, successeur de Gontran, et que les habitans obtinrent un traitement plus équitable et plus doux. » — Cet exemple, quoique emprunté à des temps postérieurs à ceux qui nous occupent, nous a paru propre à faire voir combien la liberté sans la force était de difficile garde pendant le moyen-âge.

Les hommes libres qui payaient la capitation, c’est-à-dire un droit annuel fixé d’ordinaire à quatre deniers par tête, sont désignés dans les textes sous les noms de capitales, capitalitii, homines de capite, cavaticarii. D’autres étaient appelés mundiales ou munborati, parce qu’ils vivaient sous la tutelle, mundium, munboratio, d’un homme puissant, auquel ils payaient une redevance. Il ne paraît pas toutefois que beaucoup d’hommes libres aient été soumis à la capitation avant le milieu du IXe siècle ; du moins, la plupart des personnes qui la supportaient avant cette époque sont rangées par les documens au nombre des colons ou des serfs.

En général, les hommes libres et les affranchis placés sous la mainbourg ou tutelle des églises ou des monastères, et composant la classe nombreuse des tributaires ecclésiastiques, étaient obligés envers leurs patrons à certains services et tributs. Ils furent connus plus tard sous

  1. Acta fund. Murens. Monast., dans Herrgott, Genealog. Habsburg. tom. I, pag. 324.