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Quoique le colonat fût un état régulier, dont les obligations principales étaient à peu près fixes, les colons n’en restaient pas moins soumis à la loi commune du temps, c’est-à-dire à la loi du plus fort. Aussi étaient-ils souvent tourmentés et dépouillés par les hommes puissans, et surtout par les officiers des terres royales. Mais, dans la règle, la plupart jouissaient d’une certaine aisance, qui leur permettait non-seulement d’avoir des serfs pour leur propre service et de se donner des fêtes entre eux, mais encore d’obtenir un état prospère avec quelque considération.

De ce que la loi des Allemands définit le colon un homme libre de l’église, et de ce que les colons mentionnés dans les textes anciens appartiennent généralement à l’église ou au clergé, il ne faudrait pas conclure qu’il ne s’en trouvât pas aussi sur les terres des laïques. Outre que la loi des Allemands parle en même temps des colons du roi, il est question dans les actes du synode de Soissons, tenu en 853, de colons qui devaient être flagellés par les évêques ou par les officiers épiscopaux, quoiqu’ils fussent sous la dépendance d’autres seigneurs. Dans un autre titre, il est fait mention d’un colon appartenant aux terres du comté de Brioude. On trouve aussi désignés ailleurs des colons dont les maîtres ne paraissent pas avoir été des ecclésiastiques[1]. Toutefois on est obligé par les documens de reconnaître que c’était dans les domaines de l’église, ou, pour parler plus exactement, dans les terres dont les maîtres suivaient la loi romaine, que la plupart des colons étaient établis.

En résumé, la condition des colons chez les Francs n’était pas mauvaise. Si, d’un côté, comme on l’a dit en commençant, elle inclinait vers la servitude, de l’autre, la servitude s’élevait de plus en plus vers la liberté. La possession se convertit en propriété entre les mains des serfs cultivateurs, comme entre celles des bénéficiers ; le simple tenancier se rendit propriétaire de sa tenure, en même temps que les officiers du roi et les vassaux s’approprièrent leurs honneurs et leurs bénéfices. Il me semble donc, contre l’opinion émise, il y a

    ipsius monasterii in expeditionem, cum suis hominibus, ire non cogantur, sicut a nostris progenitoribus olim eis concessum fuisse constat. (Dipl. Lud. III, reg. Germ. IV id., oct. 900, dans Nic. Schaten, Annal. Paderb., ppag. 237.) — Si l’on s’en rapportait au moine de Saint-Gall (II, 5), les hommes de condition servile auraient été admis à combattre dans les rangs de l’armée dès le temps de Charlemagne.

  1. L. Alam., IX et XXIII, 1. — Synod. Suession., an. 853, c. 9, dans Baluz., tom. II, col. 56. — Dipl. Carol. C., an. 874, dans Bouq., tom. VIII, pag. 645-6. — Marculf. append., 6.