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manière leste et toute moderne de traiter les choses antiques. Mais ces récits sont, à le bien prendre, très intéressans, et je ne voudrais pas détourner M. Janin de cette admiration pour l’antiquité, qu’on aime à lui voir garder et qu’il conserve comme des dieux lares toujours chers auxquels il espère un jour revenir.

Les six petits volumes publiés aujourd’hui par M. Janin, sous le titre trop modeste de Catacombes, s’ajoutent donc aux huit tomes de Contes Fantastiques, et complètent le recueil de ses principaux articles depuis 1830 : l’ombre, sans doute, doit s’étendre sur plusieurs de ces esquisses légères ; mais néanmoins ces mélanges variés et curieux, d’une lecture attrayante et facile, demeureront comme un monument intéressant pour l’histoire des improvisations littéraires de ce temps-ci. Peut-être M. Janin aurait-il dû être plus sévère dans le choix de ses morceaux, ne pas recueillir des improvisations sur des courses de chevaux oubliées, des analyses sans intérêt de romans connus ? Ainsi dégagé de ses parties futiles et de ses longueurs, ce recueil, qui a tant de qualités vraiment littéraires, mériterait d’être mis à part. Il sera lu par tous ceux qui aiment encore l’esprit français, vif, ingénieux, coloré, et original, même en ses hasards.


Histoire de saint Louis, roi de France, par M. le marquis de Villeneuve-Trans[1]. — L’histoire de France est encore à faire, a-t-on dit souvent. Cela est vrai ; et pourtant, ouvrez la bibliothèque du père Le Long. Quarante cinq mille ouvrages historiques, depuis César jusqu’au XVIIIe siècle, ont été écrits sur la France. Combien peu sont restés ! À voir ainsi se multiplier pour mourir tant de livres que leurs auteurs regardaient sans doute comme définitifs, il y a lieu de douter que l’œuvre se réalise jamais. Les travaux d’ensemble ou les monographies s’accumulent. Mais quelques écrivains d’élite, trois ou quatre au plus de ce temps-ci, ont pris seuls dans la science un rang supérieur et durable. Les autres, pour la plupart, s’épuisent en efforts, afin d’arriver à un oubli rapide, et leur érudition, malgré l’amour-propre, n’atteste peut-être que l’impuissance complète et bien sentie de toute œuvre originale. Quelques rares publications méritent cependant d’être distinguées çà et là, soit par l’exactitude des recherches, soit par leur ensemble et leur pensée première. Le travail de M. le marquis de Villeneuve, bien que contestable dans les points les plus saillans de ses doctrines, a des droits mérités à l’attention. Les écrits surannés du père Jean de Vernon, de Mathieu, de Balthazar de Riez, sur le vainqueur de Taillebourg, sont plutôt de la légende que de l’histoire. Mme de Sévigné disait, pour tout éloge, du travail de Fileau de la Chaise sur le saint roi, qu’il était fait avec esprit, et la louange était encore exagérée sans nul doute. Quant au livre de M. de Villeneuve, on peut affirmer, sans craindre le reproche d’erreur, qu’il a été inspiré avant tout par un enthousiasme chevaleresque : « Après Dieu, l’honneur, » voilà sa devise. Louis IX est, pour M. de Villeneuve, le saint, le héros, le roi légitime par excellence ; l’auteur aime sa

  1. vol. in-8o, 1839, chez Paulin, rue de Seine, 33