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LES ÎLES SANDWICH.

et portait deux larges épaulettes de général, de fabrique péruvienne. Kauikeaouli est un homme de vingt-trois ou vingt-quatre ans ; sa figure est assez expressive, quoique un peu gâtée par un nez épaté et de grosses lèvres ; du reste, c’est là en général le type de la physionomie des naturels des îles Sandwich ; sa taille est de cinq pieds trois ou quatre pouces environ ; il est fortement constitué. Il nous accueillit très cordialement ; mais nous crûmes découvrir sur sa figure un certain embarras, qui provenait probablement des craintes qu’on lui avait inspirées sur notre arrivée, ou peut-être aussi du peu d’habitude qu’il a de ces réceptions solennelles. Peu à peu, cependant, cet embarras se dissipa, et sa physionomie prit une expression de franchise et de bonne humeur. À sa droite était assise Kinao (Kinau), veuve du roi Rio-Rio et régente pendant la minorité de Kauikeaouli ; à sa gauche était Kekauuoli, autre veuve de Rio-Rio, et à la droite de Kinao, une troisième veuve de Rio-Rio, nommée Liliha.

Tamea-Mea, premier roi des îles Sandwich réunies, eut plusieurs fils, parmi lesquels Rio-Rio et Kauikeaouli sont les seuls connus. Après la mort de Tamea-Mea, Rio-Rio fut appelé au trône sous la régence de Kaama-Nou, sa mère ; Rio-Rio mourut en Angleterre, pendant un voyage qu’il y fit on ne sait trop pourquoi. Il avait alors cinq femmes, dont trois étaient ses propres sœurs, et les deux autres ses demi-sœurs, nées de la même mère, mais d’un autre père. Sa favorite mourut en Angleterre presqu’en même temps que lui ; une seconde mourut quelque temps après à l’île de Mawi, Il resta donc trois veuves de Rio-Rio ; c’étaient les trois femmes que nous avions sous les yeux, et ces veuves sont sœurs ou demi-sœurs de Kauikeaouli. Celui-ci succéda à Rio-Rio, et, à la mort de Kaama-Nou, qui arriva pendant la minorité de Kauikeaouli, la régence fut dévolue à Kinao, qui occupait le premier rang parmi les veuves survivantes de Rio-Rio. Elle garda le pouvoir jusqu’à la majorité de Kauikeaouli ; mais il paraît que son influence a survécu à sa dignité, et que, dominée complètement elle-même par les missionnaires américains, elle exerce un empire absolu sur le jeune roi.

Les trois princesses étaient vêtues de robes de soie, et, par leur taille, me rappelèrent toutes Mme Kouakini. Il est certain que ce serait une chose monstrueuse, en Europe, que de voir trois femmes de cette immense corpulence réunies dans un salon ; la plus petite avait au moins cinq pieds sept à huit pouces, et toutes semblaient rivaliser à qui présenterait la plus grande circonférence à l’admiration du vulgaire. Au reste, l’embonpoint est, comme je l’ai déjà dit, une marque de distinction aux îles Sandwich, et certes peu de femmes peuvent se vanter d’être, sous ce rapport, aussi distinguées que les femmes en présence desquelles nous nous trouvions. Le roi, quoique très robuste, est loin de pouvoir entrer en concurrence avec ses sœurs ; et comme il monte à cheval, fait des armes et prend de l’exercice, il est douteux qu’il devienne jamais un grand homme en style du pays.

Toute la cour nous reçut très poliment. Le roi parle assez bien l’anglais ; mais comme le commandant de la Bonite ne parlait pas cette langue et encore