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REVUE DES DEUX MONDES.

Les vaincus sont obéissans,
La justice étouffe la rage.
Il faut les rompre sous le faix ;
Le tonnerre finit l’orage,
Et la guerre apporte la paix.

Cela est clair, et il ne s’en cache pas. « Écrasez, dit-il au roi, les esprits insensés qui cherchent la calamité publique. Tonnez, foudroyez ; affermissez par votre victoire la tranquillité du pays. Bannissez les dissensions ; effacez de nos annales ces funestes souvenirs des guerres civiles, alors que

La campagne était allumée,
L’air gros de bruit et de fumée,
Le ciel confus de nos débats !

Effacez à jamais ces jours odieux ;

Ces jours, tristes de notre gloire,
Où le sang fit rougir la Loire
De la honte de nos combats !

Ici l’expression de Théophile a autant de fermeté que de verve, et l’on voit que Saint-Évremont pouvait sans injustice reprocher à ses contemporains l’oubli de cet écrivain énergique. Quant à la pensée qui a dicté ces derniers vers, elle contraste avec son dithyrambe en faveur de la liberté hollandaise. Il désirait pour la Hollande un Maurice de Nassau, pour la France un Richelieu. Avait-il tort ? C’est une question politique dans laquelle nous n’entrerons pas. Ce qui apparaît dans tous ses ouvrages, c’est une sorte de respect antique pour la loi :

Il n’est rien de tel que de suivre
La sainte majesté des lois.

Mairet, son confident, remarque avec raison le penchant secret de Théophile pour les héros de l’antiquité païenne, et son éloignement des mœurs modernes. Cependant il rimait, avec une facilité agréable, des vers pour les ballets du roi ; il commençait aussi à grouper autour de lui les voluptueux et les sceptiques de la cour. Après avoir fait chanter les reines et les nautonniers du Louvre, il se délassait à table avec Lhuillier, père de Chapelle, Desbarreaux, Saint-Pavin et le baron de Panat ; il oubliait la contrainte que lui imposait ce métier de poète par ordre :

Autrefois (disait-il plus tard), quand mes vers ont animé la Seine