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diffamatoires sont composées avec tant de peine que vous vous chastiez vous-même, en mal faisant ; et vostre supplice est si conjoinct à vostre crime, que vous attirez tout ensemble et la colère et la pitié, et qu’on ne se peut fascher contre vous sans vous plaindre. Cet exercice de calomnies, vous l’appelez le divertissement d’un malade. Il est vray que si vous estiez bien sain, vous feriez tout autre chose. Soyez plus modéré en ce travail ; il entretient vostre indisposition ; et si vous continuez d’escrire, vous ne vivrez pas long-temps. Je sais que vostre esprit n’est pas fertile, cela vous picque injustement contre moy. Si la nature vous a mal traicté, je n’en suis pas cause ; elle vous vend chèrement ce qu’elle donne à d’autres. Vous sçavez la grammaire française, et le peuple, pour le moins, croit que vous avez fait un livre ; les sçavans disent que vous pillez aux particuliers ce que vous donnez au public, et que vous n’escrivez que ce que vous avez leu. Ce n’est pas estre sçavant que de savoir lire. S’il y a de bonnes choses dans vos escrits, ceux qui ne les cognoissent pas ne vous en peuvent point louer, et ceux qui les cognoissent sçavent qu’elles ne sont pas à vous. Vostre stile a des flatteries d’esclave pour quelques grands, et des invectives de bouffon pour autres. Vous traictez d’égal avec les cardinaux et les mareschaux de France ; en cela vous oubliez d’où vous êtes nay. Faute de mémoire qui a besoin d’un peu de jugement, corrigez et guérissez-vous, s’il est possible. Quand vous tenez quelque pensée de Sénèque ou de César, il vous semble que vous estes censeur ou empereur romain. Dans les vanitez que vous faictes de vos maisons et de vos valets, qui feroit l’éloge de vos prédécesseurs vous rendroit un mauvais office ; vostre visage et vostre mauvais naturel retiennent quelque chose de la première pauvreté et du vice qui lui est ordinaire. Je ne parle point du pillage des autheurs. Le gendre du docteur Baudius vous accuse d’un autre larcin : en cet endroict j’aime mieux paroître obscur que vindicatif ; s’il se fust trouvé quelque chose de semblable en mon procès, j’en fusse mort, et vous n’eussiez jamais eu la peur que vous faict ma délivrance. — J’attendois en ma captivité quelque ressentiment de l’obligation que vous m’avez depuis ce voyage. Mais je trouve que vous m’avez voulu nuire, d’autant que vous me deviez servir, et que vous me haïssez à cause que vous m’avez offensé. Si vous eussiez esté assez houneste pour vous en excuser, j’estois assez généreux pour vous pardonner. Je suis bon et obligeant ; vous estes lâche et malin ; je croy que vous suivrez toujours vos inclinations et non les miennes. Je ne me repends pas d’avoir pris autrefois l’espée pour