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LE SCHAH-NAMEH.

mais il l’éveille par un cri, et le combat commence. Rustem et son ennemi s’arrachent l’un à l’autre des lambeaux de chair, le sol est pétri de leur sang. Enfin Rustem enfonce son poignard dans le cœur du div, dont le sang versé sur les yeux de Kaous rend à ce monarque la vue, que les enchantemens lui avaient ravie.

Kaous alors, secondé par Rustem, combat le roi du Mazenderan, et Rustem le perce de sa lance. En ce moment, grace à son art magique, ce roi se change en un quartier de rocher ; mais Rustem ne se laisse pas tromper par cette ruse de guerre. Il saisit la lourde pierre que nul dans l’armée n’avait pu mouvoir, la porte devant la tente de Kaous, et force, par ses menaces, l’enchanteur à paraître sous forme naturelle. Enfin, il obtient que l’investiture du Mazenderan sera donnée à Aulad, guerrier indigène qu’il protége. Cette investiture accordée à un chef du pays conquis est peut-être le trait le plus historique de cette expédition dans le Mazenderan, qui doit avoir un fondement réel, mais qu’en raison même de sa célébrité, l’imagination des peuples et la crédulité des siècles ont surchargée de fables et de légendes merveilleuses.

Ici s’arrête la traduction de M. Mohl. Pour faire apprécier l’étendue de l’œuvre qu’il a entreprise, je vais continuer à donner l’analyse du Livre des Rois d’après Gœrres. Je serai encore plus succinct que je ne l’ai été jusqu’ici ; en abrégeant cet abrégé, ma seule intention est de dessiner le contour de la composition gigantesque de Firdousi.

Après son expédition dans le Mazenderan, Kaous en entreprend une autre qui n’a pas beaucoup plus de succès. Séduit par son amour pour la fille du roi du Hamaveran, il est fait prisonnier, et c’est encore le vaillant Rustem qui vient délivrer l’imprudent monarque.

Enfin, le délire de son orgueil est porté au comble. Tenté par les mauvais esprits, il ne se contente plus de régner en paix sur le monde ; il veut s’élever vers le ciel pour aller voir ce qui se passe dans les régions interdites à l’homme. Des vautours l’emportent d’abord à travers les airs, puis le précipitent sur la terre. Instruit par cette chute, il se repent de sa folle ambition et s’humilie devant Dieu.

« Laissons le roi Kaous et insérons ici une narration sur Rustem, pleine de couleur et de parfum. » C’est ainsi que le poète annonce le récit assez insignifiant d’une chasse entreprise par Rustem sur les terres ennemies et de la bataille qui s’ensuivit.

Ces grandes chasses, qui durent plusieurs jours, quelquefois plusieurs semaines, qu’on entreprend à la tête d’une petite armée, sont tout-à-fait dans les mœurs de l’Asie. En même temps, l’espèce de