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GOETHE.

chercher un refuge sur les bords du Taygète, où une race étrangère vient de fonder une cité nouvelle sous la conduite d’un aventurier glorieux. Hélène demeure un instant irrésolue ; un bruit de clairons annonce l’arrivée de Ménélas : c’est la mort qui s’avance à grands pas, la mort sanglante, pour elle et ses blanches compagnes. La reine, épouvantée, n’hésite plus, et remet sa destinée entre les mains de Phorkyas. Un nuage épais couvre la scène, et, lorsqu’il se dissipe, la reine et le chœur se trouvent, par enchantement, au milieu de la cité gothique, où des pages blonds et vêtus de soie et d’or s’empressent à les accueillir. Hélène est conduite vers Faust ; celui-ci, avant même de rendre hommage à la fille immortelle du cygne, fait charger de fers, en sa présence, le gardien de la tour, Lynceus, pour avoir négligé d’annoncer qu’il la voyait venir. Hélène sourit d’aise à ce premier témoignage de galanterie chevaleresque, et pardonne au gardien. Faust obéit et s’avoue le vassal de la pure beauté. Dès ce moment l’hyménée de Faust et d’Hélène est décidé. Le représentant du moyen-âge monte sur le trône de l’héroïne antique, et partage avec elle le royaume infini. Hélène ne se lasse pas d’admirer les phénomènes merveilleux qui dansent autour d’elle, comme les rayons d’un soleil inconnu. C’est un monde tout entier qui se révèle à ses sens. La belle fleur divine, transplantée sur un sol étranger, épanouit son calice d’argent, d’où s’échappent de suaves parfums, qui enivrent Faust. Cependant des cris tumultueux troublent le calme de la vallée heureuse. Les envoyés de Ménélas viennent réclamer Hélène ; Faust se lève et les repousse à la tête de ses hommes d’armes. La valeur protège la beauté et s’en rend digne. Bientôt le calme renaît, doux, embaumé, voluptueux, inaltérable. Le chœur s’endort çà et là, sur les degrés du palais et sur les touffes d’herbe où serpentent les eaux vives. Hélène et Faust, l’œil humide, la lèvre altérée, ivres de désirs et d’amour, se perdent, la main dans la main, sous l’épaisseur du feuillage, dans les ombres de la grotte mystérieuse. Bientôt Phorkyas annonce qu’un enfant nouveau-né bondit en se jouant du giron de l’épouse sur le sein de l’époux ; un merveilleux enfant, nu d’abord, puis vêtu de pourpre et d’azur, la lyre d’or dans la main, comme un petit Phébus, l’auréole de lumière sur les tempes. Euphorion paraît ; il court, il bondit, quitte le sol, monte vers les astres, et se balance dans l’infini, joyeux, insouciant, et toujours chantant d’une voix plus pure que le cristal des strophes romantiques, que la musique aérienne accompagne. On voit ainsi ce que Goethe emprunte à la légende et ce qu’il y ajoute. Les amours