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conquête ne suffisent pas. Quant à ce qui regarde l’action, il faut en prendre son parti, et de plus ne pas se montrer trop exigeant à l’endroit de la clarté ; car il s’agit ici de théologie, de mysticisme, et de mysticisme allemand. Cependant, si toutes ces raisons ne suffisaient pas pour expliquer la présence de tant de personnages bien excentriques, disons-le tout à notre aise, et qui semblent au premier abord ne prendre point de part au mystère qui se joue, Goethe pourrait répondre qu’il a voulu représenter en eux l’amour, la quiétude au sein de Dieu, opposés à la spéculation turbulente de Faust. La nature parle de Dieu sans cesse, et conduit vers Dieu celui qui sait la comprendre ; voilà le sens qu’il faut donner à la présence des anachorètes : ils ont contemplé la nature avec cette intelligence divine des choses, qui manquait à Faust, à son activité, et ces hommes, au lieu de tomber par le désespoir dans le sensualisme, éternelle soif de la soif (ewiger Dürst nach dem Dürste), ont conquis la béatitude ineffable, du sein de laquelle ils intercèdent, ô néant de la science humaine ! pour l’orgueilleux alchimiste.

pater seraphicus. — (Région intermédiaire).

Quelle vapeur purpurine
Ondule dans les cheveux
Des sapins de la colline ?
Ah ! je pressens, je devine
Ce sont les enfans bienheureux
Qui flottent dans la lumière ;
C’est le jeune chœur des esprits.

chœur des enfans bienheureux.

Où donc allons-nous ? oh ! dis,
Dis-nous qui nous sommes, père ?
Nous sommes heureux ; à tous,
À tous, l’être est si doux !

pater seraphicus.

Ô vous qu’attirent les lumières,
Enfans nés à minuit, esprits
Et sens à peine épanouis,
Perdus aussitôt pour vos mères,
Aux anges aussitôt acquis ;
Vous sentez donc le voisinage
D’un être plein d’amour ?
Eh bien ! Approchez-vous, ne craignez rien ;
Heureux enfans, morts avant l’âge,
Vous n’avez aucun sentiment