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En Hollande, l’assistance des indigens est obligatoire pour la commune, et des taxes peuvent être établies au besoin pour en faire le fonds ; mais il est probable qu’on a rarement recours à cette extrémité, d’après le nombre des établissemens par lesquels la bienfaisance s’exerce : on en compte cinq mille huit cent soixante-un. La Belgique, depuis son indépendance, a légèrement modifié le pacte commun. — Pour ce qui concerne la Suisse, nous renverrons aux recherches de M. de Gérando, après avoir dit seulement que les lois contre le paupérisme y sont en général rigoureuses, et que la faculté de prélever une taxe sur la propriété est accordée aux gouvernemens cantonnaux, en cas d’insuffisance des ressources ordinaires. — Dans les pays strictement attachés au joug catholique, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, la mendicité, quoique rudement pourchassée, étale avec impudence ses plaies factices et ses douleurs menteuses. Des établissemens ouverts à tous les genres d’infortune, richement dotés par la piété des fidèles et entretenus par d’abondantes aumônes, laissent peu de place à l’action du gouvernement civil. L’idée de contraindre légalement les riches à la charité n’y serait accueillie qu’avec répugnance. — Tous les états de l’Union américaine, excepté la Géorgie et la Louisiane, sont soumis à la taxe en faveur des pauvres. — Quoique le généreux climat de l’Orient engendre difficilement la misère, les lois musulmanes sont très puissantes pour la combattre. Un dixième du revenu doit être mis en réserve pour les nécessiteux ; une aumône extraordinaire est prescrite annuellement ; des amendes expiatoires consistent à vêtir ou à nourrir un certain nombre de pauvres pendant un temps déterminé ; les objets de première nécessité sont exempts d’impôt, et on fait souvent des concessions gratuites de terrains ou de boutiques aux gens du peuple ; enfin, les mosquées, richement pourvues par les sultans, sont en mesure d’offrir au malheur des secours de plus d’un genre.

Quelle que soit la divergence des doctrines et des lois sur l’opportunité des secours distribués par l’état, toutes les opinions se rapprochent vers un point d’une telle évidence qu’il exclut la discussion. C’est que les gouvernemens doivent tout faire pour éviter l’emploi de ces palliatifs dont la vertu est si fort contestée ; c’est qu’ils doivent s’appliquer à neutraliser le mal dans ses germes, et étayer de tout leur pouvoir ces classes si mal assises dans la société, que les moindres secousses les précipitent dans un abîme. Les économistes, souvent malheureux dans les dénominations qu’ils adoptent, ont nommé cette tutelle du pouvoir charité préventive, criant abus de mots, puisque la vigilance, loin d’être, de la part du fonctionnaire, une œuvre charitable, n’est que l’accomplissement de son premier devoir, la condition formelle de son autorité.

Le livre qui indiquerait les mesures à prendre pour prévenir la misère publique, serait un cours complet et bien précieux de science politique ; car tout s’enchaîne dans les sociétés, et le sort du pauvre prolétaire touche de plus près qu’on ne pense à celui du puissant capitaliste. Mais chacun des points de cette vaste thèse appelle une importante discussion, qui ne peut trouver sa place ici. Renvoyons donc nos lecteurs à quelques bons chapitres de M. de La Farelle sur la division toujours croissante de la propriété foncière, sur l’état déplorable de