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obtenir que sa pièce fût représentée et admise à l’honneur du concours ? Trouvait-il assis sur le seuil des théâtres antiques les deux dragons qui veillent à la porte des nôtres, les comités de lecture et la censure dramatique ? Avait-il à subir la morgue et les caprices d’un directeur, et lui fallait-il obéir, dans la distribution des rôles, aux exigences plus que royales des princes et des princesses de théâtre ?

PRÉSENTATION ET RÉCEPTION DES PIÈCES.

Les précurseurs de la tragédie et de la comédie en Grèce, Arion, Lasus d’Hermione, Épigène, étaient, comme on sait, des poètes cycliques qui, à chaque fête de Bacchus, composaient les paroles, la musique et la danse d’un dithyrambe. Ces chœurs dionysiaques ou bachiques étaient exécutés par le poète et par un certain nombre de citoyens qui, sous le nom de choreutes, recevaient sa direction, et s’unissaient volontairement à lui dans cet acte civique et religieux. Bientôt le salaire du poète et les autres frais occasionnés par les chœurs furent mis à la charge d’un des plus riches de la troupe, lequel prit le nom de chorège[1], et laissa au poète celui de didascale[2]. Ces troupes, originairement composées de cinquante membres, concouraient entre elles, et celle qui triomphait recevait des magistrats une couronne ou un trépied, sans préjudice du prix qui était aussi décerné au poète.

Lorsque Thespis et Phrynichus eurent changé à Athènes les chœurs dionysiaques en chœurs tragiques, chaque tribu s’empressa de se présenter aux fêtes de Bacchus et de Minerve avec un tragédodidascale et un chorège. Alors, demander un chœur était la seule démarche qu’avait à faire un poète cyclique ou tragique. De leur côté, les tribus et les chorèges souhaitaient ardemment s’assurer le didascale le plus habile. « Est-ce ainsi, dit le poète dithyrambique Cinésias dans les Oiseaux d’Aristophane, que vous traitez un cycliodidascale que toutes les tribus d’Athènes se disputent ? » Les offres venaient même quelquefois de la tribu et du chorège : « Veux-tu rester chez nous, dit Pisthétérus au même poète, et monter un chœur d’oiseaux pour la tribu Cécropide[3] ? »

L’archonte éponyme, qui présidait aux dionysiaques, ou l’archonte-roi, qui présidait aux lénéennes, veillait à ce que les tribus procédassent en temps utile au choix d’un chorège et d’un poète.

  1. Demetr. Bysant., ap. Athen., lib. XIV, pag. 633, B.
  2. Harpocrat. et Suid.Poll., lib. IV, § 106.
  3. Aristoph., Av., v. 1403, seqq.