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DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE.

de sérieux et honorables travaux : par exemple la littérature qu’on peut appeler d’Académie des Inscriptions et qui reste fidèle à sa mission de critique et de recherche en y portant un redoublement d’activité et en y introduisant quelque jeunesse ; il y a encore la littérature qu’on peut appeler d’Université, confinant à l’autre, et qui par des enseignemens, par des thèses qui deviennent des ouvrages, est dès long-temps sortie de la routine sans perdre la tradition. Mais, il faut le dire, avec toute l’estime qu’inspirent de semblables travaux, l’entière gloire littéraire d’une nation n’est pas là ; une certaine vie même, libre et hardie, chercha toujours aventure hors de ces enceintes : c’est dans le grand champ du dehors que l’imagination a toutes chances de se déployer. Or, ce champ libre qui a formé jusqu’ici le principal honneur de la France, qu’en a-t-on fait ? Sa condition d’être commun et ouvert à tous l’a sans doute, à chaque époque, laissé en proie à tous les hasards des esprits. Les différentes formes du mauvais goût, les modes bigarrées, les bruyantes écoles y ont passé ; les fausses couleurs y ont fait torrent. Ce champ, en un mot, a été de tous temps infesté par des bandes ; mais jamais il ne lui arriva d’être envahi, exploité, réclamé à titre de juste possession, par une bande si nombreuse, si disparate et presque organisée comme nous le voyons, aujourd’hui, et avec cette seule devise inscrite au drapeau : Vivre en écrivant. Dédain ou intimidation, on se tait et cela gagne ;

    Je vous feray une belle cédule
    À vous payer (sans usure s’entend)
    Quand on verra tout le monde content ;
    Ou si voulez, à payer ce sera,
    Quand votre loz et renom cessera.
    ..............
    Advisez donc si vous avez désir
    De rien prester : vous me ferez plaisir ;
    Car puis un peu, j’ay basti à Clément
    Là où j’ay fait un grand desboursement,
    Et à Marot qui est un peu plus loing :
    Tout tombera, qui n’en aura le soing.

    Gasconnade pour gasconnade, cette dernière, par l’espièglerie, n’en vaut-elle pas bien d’autres ? Quant au fond de la requête, il est le même chez nous ; mais que le ton a changé ! « Certes, si la France exerce une prépondérance si incontestable et si transcendante en Europe, elle le doit surtout à dix ou douze hommes éminens, hommes d’art, d’intelligence, de poésie et de cœur,… parmi lesquels je suis. » Voilà le début nouveau de toute complainte : c’est à son de trompe qu’on entonne désormais sa pétition ; j’aimais mieux le flageolet de Marot.