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SALERNE ET PŒSTUM.

lesquelles des chevaux, habilement dressés, figuraient comme acteurs. Les Crotoniates avaient souvent assisté à ces jeux ; quand la guerre commença, ils exercèrent leurs trompettes à répéter les airs de danse des Possidoniens. Le jour de la bataille, lorsque les deux armées furent en présence, et que la cavalerie de Pœstum s’ébranla pour charger, les trompettes des Crotoniates sonnèrent toutes à la fois ces airs de danse. Aussitôt les chevaux de Pœstum, au lieu d’obéir à leurs cavaliers et de pousser à fond leur charge, se mirent à piaffer, et commencèrent un pas de ballet. Les Crotoniates, comme on se l’imagine facilement, ne restèrent pas cette fois tranquilles spectateurs de ces danses ; mais, profitant du désordre qu’une manœuvre si imprévue avait mis dans les rangs de leurs ennemis, ils fondirent aussitôt sur eux et les taillèrent en pièces jusqu’au dernier.

À l’Agropoli, je trouvai un petit cheval qui descendait, sans aucun doute, des chevaux savans de Pœstum ; car, en moins d’une demi-heure, et tout en faisant de véritables tours d’adresse à travers les marécages et les broussailles de la plaine, il me ramena sain et sauf au centre des ruines de cette ville.

Là mon postillon de Salerne m’attendait avec une singulière impatience ; ne me voyant pas revenir, il me croyait victime des brigands ou tout au moins la proie d’un serpent. La voiture était prête, les chevaux attelés, et le soleil commençait à baisser ; nous partîmes donc sans plus tarder, et, talonné par la double peur des serpens et des voleurs, mon postillon joua si constamment du fouet, que nous franchîmes en moins de quatre heures et demie, et toujours avec les mêmes chevaux, la distance que le matin nous avions mis cinq heures à parcourir.

La nuit commençait quand nous rentrâmes à Salerne.


Frédéric Mercey