Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/720

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
716
REVUE DES DEUX MONDES.

chambre était loin d’espérer qu’il se réaliserait si tôt, et c’était pour arriver à ce but désiré qu’elle exhortait le gouvernement à montrer de l’énergie et de la résolution. Sans doute, on peut alléguer que des évènemens bien imprévus, que la victoire du pacha, que la mort du sultan, ont changé les choses, et que Méhémet-Ali est aujourd’hui en position d’exiger, non l’établissement, mais la reconnaissance du nouveau royaume d’Orient, que les fautes de Mahmoud et celles de ses généraux ont fondé. La France, qui, tout en défendant l’empire turc contre Méhémet-Ali, ne doit pas abandonner entièrement celui-ci, la France, demande-t-on, peut-elle, sans faiblesse coupable, laisser remettre en question ce qui a été jugé sur le champ de bataille de Nézib ? C’est le reproche que nous adresserions aussi au gouvernement, n’était la réserve que doit nous inspirer l’ignorance où nous sommes, comme tant d’autres, des négociations qui sont restées secrètes. La France devait, ce nous semble, profiter du temps qui s’est écoulé depuis la bataille de Nézib, pour terminer les affaires en litige entre le pacha et le sultan ; c’était la manière la plus habile d’éviter ce congrès qu’elle pouvait souhaiter comme un grand résultat, il y a quelques mois, mais qui pourrait bien n’être plus pour nous qu’une déconvenue à cette heure. En cela, ceux qui s’élèvent contre le congrès peuvent avoir raison.

Mais ils ont tort lorsqu’ils proposent au gouvernement français de le rejeter. La faute, si faute il y a, est de n’avoir pas profité du temps qui s’est écoulé. Maintenant il est trop tard, et puisqu’on n’a pu devancer l’intervention des puissances, en ne leur laissant pas matière à intervenir, il ne reste plus qu’à les appeler à juger un débat qui renfermait une guerre générale il y a quelques mois, et qui ne peut plus entraîner, pour le moment présent, qu’un combat d’habileté dont le résultat sera le plus ou moins d’influence diplomatique de la France.

La France n’en est pas au degré de nullité où la montrent réduite quelques-uns de nos journaux. Elle peut se présenter avec avantage dans un congrès, et elle ne manque ni d’hommes de talent pour plaider ses intérêts, ni de ce qui appuie le talent dans les congrès, d’une belle armée, d’une bonne marine, et de grandes ressources financières. On a dit que la France trouverait l’Angleterre contre elle dans un congrès. Certes, la France n’obtiendra pas l’hérédité de la Syrie pour le pacha ; elle sera même exposée à voir se réunir contre elle les plénipotentiaires au nom du principe de légitimité qu’elle semblerait combattre ; mais la France, ne demandant que l’hérédité de l’Égypte pour Méhémet-Ali, et sa reconnaissance comme souverain de cet état, n’aura pas d’adversaires. Il resterait à se demander si la souveraineté de Méhémet-Ali comme souverain d’Égypte, reconnue par un second congrès de Vienne, ne serait pas un fait plus propre à assurer la stabilité de son pouvoir, que sa reconnaissance arrachée à la Porte par la victoire d’une armée, qui n’est, après tout, qu’une armée de rebelles.

Ce serait donc, à notre avis, ajouter une faute à une autre, que de rejeter la proposition d’un congrès, comme le font presque tous les organes de la