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en Allemagne une vive polémique, et qui a attiré sur l’auteur l’attention de l’Europe tout entière. La Vie de Jésus n’était que le résumé, le dernier mot pour ainsi dire, des travaux exégétiques de l’Allemagne moderne. Nous sommes loin de partager le froid et désolant scepticisme du docteur Strauss, mais on ne peut qu’applaudir à la gravité ferme, au caractère sérieux, à la bonne foi scientifique du jeune et hardi théologien. Les travaux approfondis sur le christianisme, soit qu’ils aient un caractère hostile, comme l’estimable livre de M. Salvador, soit qu’ils partent d’une foi vive, comme les écrits de M. Gerbet et de M. de Montalembert, obtiennent en France, depuis quelques années, un succès qu’on pourrait presque dire de curiosité, mais qui sera durable à coup sûr. Cette attention, très concevable dans une époque de critique et d’examen, ne peut manquer de se porter avec intérêt sur l’excellente traduction du docteur Strauss[1], dont notre collaborateur, M. Littré, de l’Institut, vient de publier le premier volume. Si M. Quinet n’avait parlé au long et avec éloquence de la Vie de Jésus, nous nous serions empressé de rendre compte du travail de M. Littré, qui se distingue par une exactitude scrupuleuse, à laquelle il a su allier une clarté qui n’est pas toujours dans l’original. Bien que M. Littré se consacre presque exclusivement à son beau travail sur Hippocrate, avec lequel nous sommes un peu en retard, les trois derniers volumes de la Vie de Jésus ne tarderont pas à paraître.


— On s’est beaucoup occupé de poésie populaire dans ces derniers temps. M. Marmier a eu plus d’une fois l’occasion d’indiquer dans la Revue les recueils des chants primitifs publiés dans le Nord. Walter Scott en Écosse, les frères Grimm en Allemagne et bien d’autres collecteurs avec eux, ont consacré leur érudition à cette poésie naïve qui n’a pas toujours une grande valeur littéraire, mais dont l’importance historique est incontestable. La France n’avait encore aucun recueil analogue ; en attendant que M. Fauriel publie, comme il en a le projet, dans un recueil semblable à celui de ses Chants grecs modernes, les vieilles poésies de l’Auvergne, M. de La Villemarqué vient de donner deux volumes[2] de cantilènes bretonnes dont quelques-unes peuvent remonter à une antiquité que l’auteur s’exagère peut-être, mais qui pourtant est reculée. Une traduction simple et fidèle, un texte soigneusement revu, des notes et des éclaircissemens qui nous ont paru curieux, accompagnent cette estimable publication, qui mérite l’attention de la critique, et sur laquelle nous reviendrons à loisir, en maintenant quelques objections.



V. de Mars.
  1. Chez Ladrange, quai des Augustins.
  2. Chez Charpentier, rue des Beaux-Arts.