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jettissait à la discipline les troupes placées sous ses ordres, il faut faire remarquer qu’il était loin de disposer, en Espagne, des ressources qu’on lui supposait. Cette observation pourrait aussi le justifier du reproche qui lui a été fait de n’avoir pas poursuivi ses succès comme il pouvait le faire, et de s’être montré en quelque sorte inquiet d’une victoire quand il l’avait remportée. Il y avait de quoi être inquiet, en effet, avec des auxiliaires tels que les Espagnols et les Portugais, qui haïssaient un peu plus les Anglais après une victoire qu’après une défaite, et qui, à chaque retard de la solde ou des approvisionnemens, menaçaient leur allié d’une défection, comme s’ils avaient été de simples mercenaires, ou comme si l’Espagne et le Portugal n’eussent pas été plus à portée de l’armée française que l’Angleterre. Jusqu’à présent, j’avais cru que l’Angleterre avait été pour l’Espagne un banquier exact et complaisant, et que son général, lord Wellington, n’avait à maintenir dans la ligne du devoir que des hommes à qui on n’avait laissé aucun prétexte de s’en écarter ; mais il n’en a pas toujours été ainsi, et on voit, par quelques-unes de ses plaintes au gouvernement anglais, que l’or de l’Angleterre ne coulait pas aussi abondamment sur le continent que le disait le Moniteur. En même temps, lord Wellington avait à lutter contre les ministres qui, jugeant mal la valeur militaire des points occupés par les troupes anglaises, croyaient faire des merveilles en envoyant trente mille hommes à Walcheren et une armée en Sicile. La lettre suivante, datée également du quartier-général de Saint-Jean-de-Luz, donne, sous ce point de vue, une idée complète des rapports du général anglais avec son gouvernement. Elle a été adressée à lord Bathurst le 13 décembre 1813.

« J’ai reçu la lettre de votre seigneurie, du 10, et je vous prie d’assurer l’ambassadeur de Russie que je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir dans l’intérêt des armées alliées. Je suis déjà plus avancé sur le territoire français qu’aucune des puissances alliées, et je crois que je suis mieux préparé qu’elles à prendre avantage de toute occasion de nuire à l’ennemi, soit en conséquence de ma propre situation, soit en conséquence des opérations des armées alliées.

« Votre seigneurie est instruite, par ma dernière dépêche, de la nature et de l’objet de mes opérations récentes, ainsi que de la position où nous sommes. L’ennemi a considérablement diminué ses forces dans Bayonne, et il occupe la droite de l’Adour, près de Dax. Je ne puis dire quelle force il a dans Bayonne, et savoir si elle est assez réduite pour que je puisse détruire son camp retranché.