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DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

se demander avec raison pourquoi on l’avait admis au quartier-général de l’armée anglaise, si on voulait l’empêcher de jouer un rôle politique, et qui refusait de se regarder comme un moyen d’action en réserve pour le cas d’une rupture avec Napoléon. Au reste, lord Wellington ne lui adressait ces remontrances qu’au nom des intérêts des royalistes et de la famille des Bourbons. « Le pays est très mal disposé envers Bonaparte et très bien envers la famille royale, écrivait-il de Saint-Sever ; il désire ne rien faire sans l’aveu des puissances alliées. M. de Mailhos parut ici avec la cocarde blanche et les fleurs de lis, sans faire sensation aucune ; la même chose à Mont-de-Marsan. La municipalité d’ici, quoique royaliste, a répondu à sa demande de faire proclamer Louis XVIII, qu’elle ne reconnaissait aucun ordre, à moins qu’il ne provînt du commandant en chef. M. de Mailhos est un imprudent que votre altesse royale devrait arrêter dans sa marche. »

Ce fragment jette de vives lumières sur l’état du pays. Il était fatigué de Napoléon, non de sa gloire. La France montra bientôt, quand on attaqua cette gloire, combien elle y était sensible ; mais elle était lasse de guerre, lasse de sacrifices de tous genres. Ne pouvant juger les évènemens politiques du règne de Napoléon, que nous pouvons à peine juger, nous qui sommes déjà la postérité, elle en attribuait tous les désastres à l’ambition de l’empereur. On ne voyait alors en lui qu’un homme qui avait voulu tout conquérir, quand tous les souverains imploraient de lui la paix, et l’on se disait que cette invasion de Russes, d’Espagnols, de Portugais, de Prussiens et d’Allemands, qui fondaient de toutes parts sur la France, n’était que l’effet de justes représailles. Toutefois, haïr le gouvernement de Napoléon, ce n’était pas encore désirer le retour des Bourbons, et les partisans de cette cause sentaient si bien cela, qu’ils voulurent, à tout prix, se présenter avec l’appui et la protection des armées étrangères. Ils voyaient que ce n’était qu’ainsi qu’ils décideraient le pays, et ils se hâtèrent d’agir avant le 10 mars, terme fixé par les souverains alliés pour l’acceptation des préliminaires de paix proposés au congrès de Châtillon. Tel fut le motif de la fameuse proclamation du maire de Bordeaux, qui amena le mouvement du 19 mars, et ce qu’il y a de curieux, c’est que tandis que les royalistes cherchaient à établir, malgré lord Wellington, qu’ils agissaient de concert avec le chef de l’armée anglaise, le maréchal Soult cherchait, de son côté, à prouver que les proclamations du duc d’Angoulême étaient l’œuvre du général en chef anglais ! Le maréchal Soult comptait sur l’esprit