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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

renommées, en capacités spéciales, en expériences consommées ? Personne ne le pense en Europe. Cette institution ne représente assurément aucun intérêt contraire aux tendances générales de la société française ? On ne pourrait soutenir avec justice, même avec quelque spécieuse apparence de vérité, qu’elle repose sur un principe aristocratique, qu’elle exprime et qu’elle protége des intérêts de caste. La pairie a perdu l’hérédité, et ce n’était pas une base aussi incompatible que celle-là avec les idées du pays, aussi peu logique d’ailleurs, eu égard aux faits accomplis, qui lui eût rendu quelque vie et quelque durée après la révolution de 1830. L’hérédité l’aurait laissée tout aussi faible en en faisant le point de mire de toutes les antipathies et de toutes les attaques. On a sagement agi en n’exposant pas le trône au danger d’avoir à chaque instant à couvrir de sa propre égide une institution à laquelle la royauté aurait dû prêter sa propre force, au lieu d’en recevoir d’elle. On a également agi avec intelligence en recrutant la pairie du régime nouveau au sein des intérêts mobiles et viagers dont ce régime est la sanction et la garantie. Il est donc manifeste que la chambre des pairs ne représente aujourd’hui que ce qu’exprime la chambre des députés ; les mêmes influences et, à peu de chose près, le même fonds d’idées politiques dominent dans l’une et dans l’autre. Si elles s’y produisent sous des aspects différens et avec une dose d’énergie très diverse, c’est que, dans la chambre inamovible, l’action naturelle de ces influences est évidemment paralysée. Ce malheur ne tient point à ce que le pays repousse le système de deux chambres ; il ne résulte pas de l’esprit politique de la pairie actuelle, et moins encore de la somme de considération individuellement payée à ses membres ; cette nullité est la déplorable conséquence d’un vice radical dans l’organisation constitutionnelle de ce pouvoir, sur laquelle je devrai plus tard appeler toute votre attention.

Une chambre unique inférieure à la tâche que les difficultés du temps lui imposent, une seule chambre exerçant un pouvoir contrebalancé par l’influence active et directe de la royauté, tel est donc le dernier mot d’une situation dont je m’affecterais plus vivement, si je croyais à l’impossibilité de la modifier, si je ne me rendais compte surtout des motifs qui ont dû l’amener. La bourgeoisie, désormais installée aux affaires, souveraine maîtresse de la politique et de l’administration du pays, n’est plus inquiète pour son avenir. Délivrée du cauchemar aristocratique qui troubla si long-temps ses veilles, elle ne se voit pas menacée, de long-temps du moins, par la démo-