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graphe, qu’elle essaie de le juger. Les sculptures du Parthénon ne sont même pas citées nominativement dans les trois volumes dont elle est composée. Depuis lors, le cercle de l’observation s’est singulièrement étendu. Les reliefs du Parthénon ont été transportés à Londres ; de là les épreuves de ces admirables fragmens se sont répandues chez les principales nations de l’Europe, que le vol de l’Angleterre avait scandalisées, et dont ses libéralités ont élargi toutes les études. La Grèce elle-même, autrefois inabordable, a été sillonnée dans tous les sens par des savans et par des artistes ; ses golfes et ses îles ont laissé interroger leurs ruines. Ainsi l’archéologie, après s’être mise en possession de l’époque de Phidias, a pu, par un bonheur inattendu, s’emparer encore de l’époque antérieure : la découverte des marbres d’Égine est venue révéler les origines ignorées de l’art grec. C’est aujourd’hui seulement qu’on peut commencer à juger les anciens avec quelque certitude ; c’est aujourd’hui que Winckelmann aurait dû naître.

Déterminer, dans la série des époques de l’art antique, celle qui renferme le plus de germes de grandeur, et qui a produit les ouvrages les plus dignes d’être étudiés, tel est le problème qui s’offre à l’esthétique moderne. Pour arriver à sa solution, il est évident qu’il est d’abord nécessaire de faire une bonne classification de toutes les œuvres qui ont été exécutées dans les différentes périodes de l’antiquité ; cette classification, d’où dépendent la clarté et la justesse des idées qu’on doit se faire de l’art grec, on est en droit de la demander non-seulement aux archéographes qui veulent écrire l’histoire, mais encore aux musées qui en représentent aux yeux un vivant abrégé. On ne saurait trop regretter le désordre déplorable dans lequel se trouvent les antiques de notre cabinet. Tous les temps, tous les débris, les originaux, les copies et les imitations sont confondus dans un pêle-mêle qui n’est pas propre à encourager l’étude, ni à éclaircir les opinions. Il semble qu’on n’ait pensé en les accouplant qu’à une certaine symétrie faite pour le regard et non pour l’esprit. Le même motif matériel a décidé de la distribution des tableaux dans nos galeries de peinture. Les intendans de notre musée devraient enfin songer à réparer l’ignorance de leurs prédécesseurs ; sous le rapport de l’ordre, les autres collections de l’Europe sont d’une supériorité que nous ne pouvons pas tolérer plus long-temps. Certes, l’édifice qui est affecté au British museum ne saurait être comparé au Louvre ; mais dès que vous avez pénétré dans ses vieilles salles informes, vous y trouvez du moins une classification qui double le prix des trésors