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LES MARBRES D’ÉGINE.

subir ; mais ce que j’ai de la peine à comprendre, c’est que l’on continue à désigner Agéladas comme l’auteur de ce morceau, après avoir nié la signification qui a seule autorisé Winckelmann à le rapporter à ce maître. Ce point est fort important à éclaircir. Comme nous le verrons dans la suite, l’époque à laquelle appartiennent l’Apollon Cytharœdus et Agéladas est celle que l’esthétique moderne a le plus d’intérêt à étudier. Une urne sépulcrale athénienne en marbre pentélique, un vase en marbre de Paros, une statue de Cérès de date assez incertaine, complètent l’ensemble des fragmens remarquables de la salle d’Apollon.

La salle de Bacchus, qui est la suivante, est presque entièrement réservée aux représentations de la vie ou de l’empire de ce dieu ; et la salle des Niobides, qui vient immédiatement après celle-là, emprunte son nom à deux statues qu’on regarde comme des enfans de Niobé, et qui sont parmi les plus belles choses de la Glyptothèque. Les ouvrages classés dans ces deux salles sont, pour la plupart, de la période où le génie grec réalisa les formes les plus parfaites qui soient sorties des mains de l’homme. Le satyre ivre, que Winckelmann appelle le faune endormi du palais Barberini, est l’œuvre capitale de la salle de Bacchus. Les antiquaires bavarois l’attribuent, je ne sais sur quel fondement, à Scopas ou à Praxitèle, dont les manières bien différentes ne me paraissent pas prêter matière à confusion. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il fut trouvé à Rome, lorsqu’on déblaya les fossés du château Saint-Ange. L’histoire même de ce château, que l’empereur Adrien avait fait décorer de figures et de colonnades pour lui servir de tombeau, et du haut duquel Bélisaire se défendit plus tard contre les Goths en jetant des statues sur leurs têtes, donne lieu de penser que le faune Barberini est, en effet, de quelqu’un des grands maîtres de la Grèce ; la grace de ses formes et la beauté de son exécution sont de plus sûrs garans de son origine. Des faunes, des silènes, Ino élevant Bacchus, un sarcophage orné d’une bacchanale, un relief représentant les noces de Neptune et d’Amphitrite, se font encore remarquer dans cette salle. Les deux Niobides qui occupent le centre de la suivante, fourniraient matière à de longues observations. Le groupe qui porte le nom de Niobé est un des plus enviables trésors de Florence ; c’était le seul monument complet du style sublime que connût Winckelmann. Il fut attribué par lui et par son époque à Scopas, l’un des plus illustres contemporains de Phidias. Cependant une épigramme de l’anthologie grecque désigne, comme l’auteur de ce groupe, Praxitèle, qui est