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tiers, qu’il leur a prêté un ton de légèreté qu’elles n’avaient point. Il est certain que, dans une lettre écrite, sur le même sujet, à M. Barbié du Boccage père, M. Fauvel s’exprimait d’une manière plus sérieuse et plus explicite. M. Quatremère de Quincy, qui eut connaissance de cette lettre, y vit la confirmation de plusieurs idées fort importantes qu’il avait émises, au sein de l’Académie, dès 1806, c’est-à-dire cinq ans avant la découverte des marbres d’Égine. Dans son Jupiter olympien, publié en 1815, il leur donna, grace à ces nouveaux renseignemens, un développement plus complet, et arriva à conclure que plusieurs ouvrages classés par Winckelmann dans le nombre des œuvres étrusques appartenaient, en réalité, au style éginétique. Cette conjecture, qui put paraître d’abord n’être que le renouvellement de la comparaison établie par Quintilien entre les écoles antiques de la Grèce et de l’Italie, est destinée à produire, dans l’histoire de l’art, des résultats auxquels l’illustre secrétaire de l’académie des Inscriptions et Belles-Lettres aurait sans doute attaché son nom, s’il avait pu voir, à cette époque, par ses propres yeux, les marbres qui la lui avaient inspirée.

Le Louvre possède aujourd’hui une épreuve de ces statues qui doivent exciter un intérêt sans cesse croissant, jusqu’à ce que la critique ait dit son dernier mot sur elles. Malheureusement on interdit au public la galerie où cette épreuve est placée entre les fameuses métopes de Sélinonte et la frise du Parthénon qui complètent avec elle l’explication de l’origine et du caractère de l’art grec. Je fais observer que les salles qui renferment les esclaves de Michel-Ange, la Diane de Jean-Goujon, les Graces de Germain Pilon, le Milon de Puget, sont également closes. Par quelle fatalité se fait-il que, dans notre pays, où la sculpture a toujours eu une destinée en quelque sorte privilégiée, on ne puisse jouir librement de la vue des modèles de cet art ? Si on dépensait dans les galeries sculpturales le budget assigné au musée espagnol, on atteindrait, ce me semble, le double but de détourner l’attention des jeunes gens de modèles dont le matérialisme est dangereux, et de la diriger vers les véritables sources de la beauté et du goût. Nos réclamations doivent être entendues des directeurs du musée ; nous savons qu’ils apprécient à leur juste valeur les morceaux dont nous leur demandons une exhibition publique. L’un d’eux, M. de Clarac, dont nous aurons à citer l’opinion à côté des conjectures de l’érudition allemande, a fait graver les statues d’Égine dans la neuvième livraison de son grand ouvrage sur notre musée de sculpture. Le soin extrême qu’il a apporté dans l’exécution de ce tra-