Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/849

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
829
LES MARBRES D’ÉGINE.

jeux publics et des artistes pour éterniser leur mémoire. Pindare, qui est le meilleur historien de la race dorienne et des Éginètes, a consacré plus de la moitié des odes, qu’il nous a laissées, à des vainqueurs nés dans l’île d’Égine. Pélée avait même inventé des jeux connus sous le nom de pentathle, qui devaient être particuliers aux Éginètes, et que je ne crois pas qu’il faille confondre avec le pancration. Tout le monde conviendra que la vue et le goût de ces exercices en quelque sorte nationaux durent singulièrement influer sur les études et sur la direction des artistes insulaires, comme Lucien les appelle dans un de ses dialogues. Si on ajoute à cette considération que ces artistes reproduisirent très souvent d’une manière expresse la personne des lutteurs, il est difficile de croire que leur art put être complètement fidèle aux traditions nécessairement rigides du religieux Smilis, et encore moins à cette immobilité égyptienne, que Mueller nous donne, d’après Hésychius, comme le type de l’art éginétique. Je remarque encore en passant que les Athéniens ne sont presque jamais mentionnés parmi les vainqueurs des jeux, qu’ils ne cultivaient pas avec ardeur les exercices gymnastiques, et que leurs artistes ne se souciaient pas de représenter des athlètes. Ces notions ne sont guère propres à faire croire qu’il y eût, originairement, dans leur art, comme le dit M. Mueller, plus de mouvement et de variété qu’il n’y en avait dans le style éginétique ; elles prouveraient même le contraire. Mais avant de pousser plus loin cette comparaison et ces recherches, il importe de faire connaître les statues découvertes à Égine par M. Cockerell, et de savoir quels élémens nouveaux elles ont pu apporter pour la solution du problème qui nous intéresse.

V. — DESCRIPTION DU PANHELLÉNION ET DES MARBRES D’ÉGINE.

Les débris du temple de Jupiter panhellénien s’élèvent au nord-est d’Égine, sur le sommet d’une montagne dont les prolongemens fendent la mer, comme ferait une proue dorée, et forment un des trois angles de l’île ; ce sont de belles colonnes doriennes qui se détachent au plus haut du paysage, et qui, dominant les forêts d’amandiers du rivage, les flots au loin déroulés, les montagnes de l’Attique et celles de l’Argolide étagées de chaque côté du golfe, semblent comme une couronne posée par le génie humain sur toutes ces splendeurs de la nature. M. Edgar Quinet nous a appris, dans son voyage en Grèce, qu’assis au pied du Panhellénion, il distinguait le Parthé-