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LES MARBRES D’ÉGINE.

lorsqu’il a voulu la fixer à des temps, plus voisins de la guerre de Troie que de celle des Perses. L’architecture du temple et l’histoire entière de l’art grec nous semblent protester contre cette assertion, qui ne conduirait à rien moins qu’à faire penser que le travail du marbre était poussé à la perfection lorsque celui du bois devait être encore à ses commencemens. L’érudition bavaroise a adopté, en définitive, la date proposée par M. Mueller, qui est celle de la guerre médique.

L’érudition française a eu peu d’occasions jusqu’à ce jour de se prononcer sur les marbres d’Égine. M. de Clarac, dans une note d’un livre inédit dont je dois la communication à sa cordiale obligeance, exprime l’opinion que ces morceaux doivent être considérés comme contemporains pour le moins des œuvres de Phidias, s’ils ne leur sont pas postérieurs. C’est à propos de Callon d’Égine, auquel il semble rapporter les statues du Panhellénion, qu’il est conduit à agiter ce problème ; il pense que leur perfection est l’indice d’une époque très avancée de l’art, et que ce qu’il y a d’antique dans leur style est la marque, non pas d’une époque, mais d’une école particulière. Il cite à l’appui de cette opinion la plupart des maîtres allemands qui, vivant du temps de Raphaël, ne continuaient pas moins la vieille chaîne de leurs traditions nationales, de façon à paraître précéder d’un siècle leur illustre contemporain. Il aurait pu trouver au sein même de l’Italie, dans les écoles archaïques de Bologne et de Venise, des exemples plus concluans encore. Tout en admettant une partie de cette argumentation, nous ne croyons pas que l’histoire d’Égine permette de supposer que l’art ait pu élever le Panhellénion ou le décorer après la guerre du Péloponèse. On ne saurait prêter au ramas de malheureux qui repeuplèrent cette île la pensée d’avoir voulu éterniser leur propre souvenir. Les marbres découverts par M. Cockerell appartiennent donc à l’époque que M. Mueller a appelée la seconde période de l’art éginétique, et dont il a établi l’extrême limite à la ruine de l’île, survenue au commencement de la guerre du Péloponèse.

Une remarque qui n’a point été faite me paraît mettre cette date hors de doute. Si Minerve est la déesse particulière d’Athènes, et si Athènes fut la rivale d’Égine, en quel temps supposera-t-on qu’Égine aura mêlé l’image de Minerve à celles des Éacides ? Elle ne pourra avoir donné ce témoignage d’amitié envers Athènes ni avant la guerre des Perses, lorsque la lutte des deux cités était flagrante, ni après l’époque de Cimon, lorsque la haine avait dû s’envenimer encore par le sentiment de la défaite. Ainsi, c’est dans le temps restreint qui s’est