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avec l’auteur de Hugues Capet. Chapelain jugeait son style sain, et son esprit plein de connaissances ; Huet trouvait beaucoup à apprendre dans ses livres. De plus, Varillas n’injuriait pas à chaque ligne les plus légitimes renommées de son temps ; ses jugemens peuvent être vulgaires, mais ils n’ont pas au moins la légèreté, la morgue de je ne sais quelles prétentions à la profondeur diplomatique, que la modération du ton cesse de recouvrir. Plusieurs de nos collaborateurs les plus honorables, et les hommes de ce temps-ci les plus respectés pour leur science, ont dû passer, dans les quatre volumes sur Hugues Capet publiés, il y a quelques semaines, par M. Capefigue, sous un feu de contradictions plus ou moins polies. Je vais en redire quelques-unes, pour que le vrai public, le public qui ne lit pas toutes les sortes de pamphlets, soit initié à tant de découvertes précieuses, à tant de nouveautés historiques. Il ne s’agit pas moins, qu’on y prenne garde, que d’un nouveau système sur les légendes, sur la féodalité, sur les communes, sur les croisades, sur la scolastique ; que sais-je encore ? Comme on peut supposer, M. Guizot n’a rien compris aux institutions, M. Thierry au mouvement municipal, M. Fauriel aux épopées, M. Cousin à la philosophie du moyen-âge ; quant à M. Michaud, il est bien évident que son Godefroy de Bouillon est une parodie de celui du Tasse, et que cet écrivain n’a pas eu l’intelligence des grandes expéditions d’Orient. Descartes partait du doute ; M. Capefigue part de la négation. Cela est bien plus simple encore et procède d’une admirable imaginative ; c’est, en histoire, le thème de la table rase professé par les philosophes. Le livre de M. Capefigue commence à Hugues Capet et finit à Philippe-Auguste : il embrasse donc le développement de la civilisation française du Xe au XIIe siècle. En nous tenant aux caractères généraux, voyons d’abord quels élémens ces quatre volumes ont la prétention d’apporter à notre histoire nationale.

Les deux préfaces du livre ont le mérite d’être datées, la première de Vérone, la seconde de Saint-Denis en France, ce qui ne peut manquer de charmer singulièrement le lecteur. Je ne désespère pas que les prochaines introductions ne viennent de Metz en Lorraine et de Lille en Flandre, ou même de Paris en l’Île, comme dit agréablement M. Capefigue. Cela n’a-t-il pas une couleur des vieux temps qui est du dernier bon goût ? M. Capefigue l’a parfaitement compris, et tout son livre est dans cette manière. Aussi y voit-on surgir avec une merveilleuse richesse tout le monde du moyen-âge. Vous comprenez maintenant pourquoi M. Guizot n’a pas entendu le plus petit mot à la vie féodale, à la vie de château du Xe siècle. Le baron de M. Guizot est décidément un pauvre homme ; d’abord M. Guizot ne l’appelle pas monseigneur ; puis il n’a pas toujours sur le poing le faucon à l’œil de feu ; il ne tient pas incessamment en laisse les lévriers reluisans ; ses cottes de mailles ne sont pas serrées comme l’écaille d’un serpent ; il n’a pas de grandes épées, des visières de fer, des armes fourbies, des cors retentissans, des destriers au poil magnifique, de nobles enfans des haras, qui, bardés de fer, font trembler la terre sous leur pas hâtif ; enfin, ce c’est pas un farouche paladin, qui n’apparaît que pour lancer des regards formidables sur de malheureux vaincus. M. Guizot, évidemment, n’a