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mauvais esprit de Voltaire ; ils ont le caractère de pamphlets, de thèse de journal ; ils sont écrits dans le style de l’adresse des 221, et il est facile de remarquer l’enfantillage prétentieux de cette petite érudition qui veut restituer les noms franks. M. Capefigue, qui a écrit un grand nombre de pamphlets politiques de couleurs fort tranchées, garde ici et trahit le ton des premier-Paris de la Quotidienne, du Courrier ou des autres journaux de toute opinion, dans lesquels il a successivement ou simultanément écrit. Mais voici qui passe tout : « On tient boutique de communes, et dans ce triste bazar d’érudition mal conduite, de jeunes intelligences s’abîment dans d’infructueuses et inutiles recherches. » On demandera peut-être, puisqu’il est question de boutique et d’industrie, s’il ne s’agit de livres autres que ceux de M. Thierry. Point. C’est une allusion très délicate à la Collection des monumens du tiers-état dont le gouvernement a chargé l’historien de la conquête de l’Angleterre. M. Thierry n’est pas compris seul dans ces anathèmes. À propos des élèves de l’École des Chartes, M. Capefigue dit textuellement : « Deux ou trois érudits faciles les font travailler pour eux et profitent de leurs ardentes et fortes études. » Or, en langue vulgaire, cela s’adresse à MM. Fauriel et Guérard, membres de l’Institut, à M. Champollion-Figeac, conservateur des manuscrits à la Bibliothèque du roi, lesquels dirigent plusieurs publications importantes de textes pour les Comités historiques, et ont produit dans la science quelques jeunes gens instruits, en les faisant attacher officiellement par le ministre à ces travaux d’érudition. Ce concours loyal et avoué, cet apprentissage utile sous les maîtres, que ne dédaignaient ni Mabillon, ni Bréquigny, ont sans doute le malheur de ne ressembler en rien aux ateliers obscurs où se fabriquent quelques livres contemporains. M. Mérimée, en sa qualité d’inspecteur-général des monumens, a aussi sa part des attaques. M. Capefigue ne le nomme point, mais il assure que les inspecteurs (et il n’y en a qu’un) n’empêchent nullement les édifices du moyen-âge d’être détruits, et qu’il n’est absolument rien sorti de ce luxe de commissions retentissantes. M. Capefigue n’a pas lu sans doute les trois volumes spéciaux, publiés par l’exact et spirituel antiquaire. Mais qu’est-ce que trois volumes ? M. Capefigue en a donné, je crois, plus de soixante.

Décidément M. Capefigue était en verve dans son Hugues Capet, et nous ne sommes pas au bout. On se lasse de transcrire ; il faut pourtant faire justice en osant citer. Comment, par exemple, M. Fauriel pourra-t-il se relever du coup qui l’écrase ? Savez-vous ce qu’est son Histoire de la Gaule Méridionale ? « C’est un lourd et fastidieux travail qui n’apprend pas un fait nouveau. » Voilà, j’espère, qui est net et sans détour. Quant à la question des épopées, que M. Fauriel a traitée au long dans cette Revue, c’est une matière usée, attendu qu’aucun écrivain n’avait avant lui abordé sérieusement le sujet. Puis vient M. Daunou, coupable d’avoir indiqué dans l’Histoire littéraire une falsification et des plagiats flagrans de M. Capefigue[1]. Le fin et profond travail

  1. On trouve, au tome XVII de l’Histoire littéraire de la France, page 285, le