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REVUE LITTÉRAIRE.

de M. Daunou sur saint Bernard est mis bien au-dessous de l’obscure vie de ce saint, par le père Chifflet. M. de Pastoret est plus heureux ; l’ancien Chancelier a la protection de M. Capefigue, qui veut bien ne le pas maltraiter et l’assurer même qu’il ne peut rien écrire de mieux que lui sur les impôts du XIIe siècle.

Pour M. Michelet, il n’a pas compris la pensée catholique dans son travail de fantaisie sur l’histoire de France. Ainsi que M. Thierry, il a toujours cru écrire des articles de journaux et de revues. Mais sait-on pourquoi M. Michelet est entaché de ces graves défauts ? « C’est qu’il a préféré vivre dans les nuées QUE DE consulter les chartes et les documens des vieux siècles. » M. Michaud est aussi fustigé d’importance, bien qu’il ne soit pas nommé. L’historien des croisades s’est posé épique, et voulant imiter le Tasse, il a créé des héros imaginaires, vernissés et polissés, dans lesquels on ne reconnaît pas la sauvagerie féodale.

Les philosophes sont maltraités à leur tour, comme les historiens, par M. Capefigue, qui a écrit sur le mouvement scholastique du XIIe siècle un incroyable chapitre. Abélard n’est pas un conceptualiste, comme on avait cru jusqu’ici, et le réalisme ainsi que le nominalisme sont des mots sans importance. Apprenez que saint Bernard représentait l’orthodoxie par sa haute intelligence, et Abélard la scholastique universitaire. Il est vrai qu’au tome ii, page 358, saint Bernard est nommé le type de la scholastique ; mais ces contradictions importent peu. Si je trouve, à propos d’Abélard, beaucoup de phrases sans idée sur les subtilités et les arguties, je ne vois pas un mot qui indique la moindre connaissance de la matière. Abélard est défini « un crâne resserré et fantastique, chair et sang, vie à sensations et de mobilité. » Tout cela est à coup sûr déduit de la lecture attentive que M. Capefigue n’a pas manqué de

    passage suivant, signé par M. Daunou : « Le livre de M. Capefigue sur Philippe-Auguste s’annonce comme ayant été couronné par l’Institut ; il est vrai que l’Académie des Inscriptions avait, en 1825, proposé, pour sujet de prix, de rechercher quels sont en France les provinces, villes, terres et châteaux dont Philippe-Auguste a fait l’acquisition, et comment il les a acquis, soit par voie de conquête, soit par achat ou échange. Il est vrai encore qu’en 1826 le prix a été adjugé à un Mémoire de M. Capefigue. Mais l’Académie n’a eu aucune connaissance du manuscrit des quatre volumes publiés en 1829, et ils diffèrent à tel point du travail beaucoup moins étendu publié trois ans auparavant, que nous n’oserions pas assurer qu’ils eussent obtenu la même récompense. » On reconnaît à cette insinuation fine et attique la critique du vénérable secrétaire de l’Académie des Inscriptions ; il est impossible d’indiquer à la fois avec plus de fermeté et de convenance une inqualifiable usurpation de titres. Le plagiat de M. Capefigue n’est pas moins nettement signalé ; car on lit en note, à cette même page 285 : « La moitié du IVe volume de M. Capefigue contient un exposé de l’état des lettres et des arts sous Philippe-Auguste, ou plutôt au XIIIe siècle, exposé EXTRAIT EN FORT GRANDE PARTIE de notre tome XVI, publié en 1824. » Après cela, M. Capefigue ne craint pas, à un endroit de son Hugues Capet, de se déclarer de l’école des bénédictins et de M. Daunou, qu’avec sa logique habituelle il attaque ailleurs.