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représentant du nom français est d’un heureux augure. En arrivant à Madrid, M. de Rumigny trouvera des dispositions bienveillantes dont son expérience saura tirer parti pour réparer les fautes qui auraient pu être commises par lenteur ou par imprévoyance.

Nous remarquons avec plaisir que le ministère a eu la main heureuse dans ses choix diplomatiques. Notre nouvel ambassadeur à Constantinople est un homme de haute distinction qui n’arrive à ce poste éminent qu’à travers une carrière pleine de bons services et de circonstances honorables. M. Édouard Pontois a fait la campagne de Russie comme officier attaché à l’état-major de la garde. Il dut à son énergie morale de ne pas succomber dans la retraite, mais il fut fait prisonnier à Kœnigsberg, au retour de Moscou. Rendu par la paix à son pays, il entra dans les bureaux des affaires étrangères ; il dut à sa capacité un avancement rapide, car, en 1818, il devint le secrétaire intime du chef de la division politique, c’est-à-dire que dès-lors il fit partie du petit nombre des personnes admises à la véritable connaissance des affaires, et auxquelles cette position permet d’en embrasser l’ensemble. Il accompagna son chef et les ministres plénipotentiaires aux congrès d’Aix-la-Chapelle, de Troppau, de Laybach et de Vérone. Aussi est-il un de nos agens qui connaît le mieux le corps diplomatique, et l’on voit combien étaient mal informés ceux qui l’ont représenté comme entièrement neuf dans la pratique des hommes et des choses. En 1826, il fut nommé premier secrétaire de légation à Rio de Janeiro ; plus tard, il fut chargé d’affaires à la même résidence. C’est au Brésil qu’il eut l’occasion de venir généreusement en aide à George Farcy, que lui avait recommandé M. de Rémusat. Ce jeune écrivain, qui devait trouver dans les journées de juillet une mort si glorieuse, ne savait comment retourner en France ; plein de confiance dans le noble caractère de M. Pontois, il lui avoua sa détresse. « Disposez de ma bourse, lui dit M. Pontois, qui n’avait pas attendu cette confidence pour lui rendre déjà quelques services ; vous me rendrez cela quand vous serez riche. » Ce fait n’a été révélé que par la publication de quelques papiers de Farcy. De retour en congé en 1833, M. Pontois eut à Londres un intérim de chargé d’affaires ; c’est à cette époque que le roi, qui lisait attentivement la correspondance de M. Pontois, apprit et apprécia ce qu’il pouvait valoir. Il semblait dès-lors que M. Pontois ne devait plus retourner au Brésil ; mais les négocians français établis à Rio-Janeiro s’étaient si bien trouvés du zèle et de la fermeté avec laquelle il avait défendu leurs intérêts, qu’ils avaient écrit à son insu au ministre des affaires étrangères pour demander son renvoi au Brésil avec le titre de ministre. Effectivement M. Pontois revit encore une fois Rio-Janeiro. C’est de là qu’en 1835 il passa à Washington. On le regardait comme plus capable que personne de rétablir convenablement nos rapports avec cette république. Si, en ce moment, M. Pontois part pour Constantinople, il ne le doit pas à l’amitié de M. Sébastiani, qu’il connaît à peine, mais plutôt à l’antipathie de ce dernier pour M. Bois-Le-Comte. En effet, le général Sébastiani, dans son séjour à Eu, a réussi à écarter M. Bois-Le-Comte