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MÉLANCTHON.

magne, ou qu’il dissolve, avec le feu céleste, toute cette machine du monde, et qu’il nous délivre tous ensemble pour l’éternité des misères présentes[1] ! »

XII. — QUERELLE SOULEVÉE PAR LE LIVRE DE LA RÉFORME DE COLOGNE. — CHAGRINS DOMESTIQUES.

La réforme avait profité des débats entre le pape et Charles-Quint pour faire ses affaires en Allemagne. Hermann, archevêque-électeur de Cologne, avait demandé Mélancthon dès l’année 1543, pour constituer l’église nouvelle dans ses états. Luther et le landgrave de Hesse étaient d’avis de ce voyage ; tous deux jugeaient, sans s’être consultés, que les atténuations même de Mélancthon étaient d’assez hardies nouveautés pour une ville encore catholique, et que ce serait un grand point de les y établir. Mais il y eut des difficultés du côté de l’électeur, qui, sans rien empêcher, ne répondit pas d’abord à la demande de l’archevêque. Mélancthon souffrait facilement qu’on le retînt ; il prévoyait des querelles à son retour, et il n’aimait pas assez l’éclat de ces sortes de missions, pour aller au-devant de l’envie qu’elles lui attiraient. Mais l’électeur ayant changé d’avis, Mélancthon se laissa mettre en route pour Cologne, au mois d’avril 1543.

Il y trouva les plus fortes préventions contre la réforme, des adversaires en grand nombre, et disposés à ne rien ménager, l’archevêque presque seul de sa cause, le peuple de Cologne contre son prince, et tout entier aux images. On fabriquait en ce moment même une robe pour la Vierge, estimée 100 florins d’or. Le chapitre était très menaçant ; il avait parlé de déposer et de chasser l’archevêque, ce qui avait motivé une lettre du landgrave de Hesse, déclarant qu’il viendrait avec les confédérés le défendre en cas de violence.

Hermann voulait constituer son église selon la forme de celle de Nuremberg. Mélancthon et Bucer se partagèrent la rédaction du formulaire. Mélancthon traita de la création, du péché originel, de la justification par la foi et les œuvres, de l’église, de la pénitence, laissant l’eucharistie à Bucer dont il s’était rapproché dans cette question. Ce formulaire souleva les plus vives discussions. Mélancthon s’y emporta jusqu’à dire que les sycophantes de Cologne ne devaient pas être réfutés avec des livres, mais châtiés à coups de bâton. Il est vrai que le jour où il quitta sa modération on le loua de sa fer-

  1. Corp. Ref., no 1932.