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le succès d’une session, quelquefois sur le résultat d’une intrigue, aspirer à tous les portefeuilles, conquérir les honneurs qui devraient être le couronnement de toute une existence, la consécration d’une notabilité déjà européenne. C’est ainsi que le pays qui impose le concours ou les épreuves les plus difficiles pour les plus modestes fonctions, et qui tend à généraliser de plus en plus cette pratique salutaire, prend tous ses agens politiques au hasard ou à l’essai, sans autre garantie que des succès de tribune, unis à quelque souplesse dans l’escrime parlementaire.

À de rares exceptions près, les fortunes ministérielles sont chez vous infiniment moins rapides ; mais en admettant même la parité, je n’hésite pas à dire que ce que comporte le principe aristocratique de votre gouvernement ne saurait établir de précédent applicable à une société qui entend, comme la nôtre, résoudre pour la première fois le problème d’une hiérarchie fondée sur la valeur duement éprouvée de chacun.

À la manière dont se passent trop souvent les choses, le pays reste sans garanties sérieuses. En accumulant dans quelques années ce qui devrait remplir toute une vie humaine, on s’est exposé à substituer le savoir-faire à la naissance, à sortir du droit ancien sans s’établir dans le nouveau. Lorsqu’on voit, d’un côté, le plus grand nombre des expériences et des supériorités reconnues, agglomérées dans une assemblée sans puissance sur l’opinion, sans influence d’aucune sorte sur la formation et la chute des cabinets, et que, de l’autre, toutes les ambitions s’organisent stratégiquement pour la conquête et l’exploitation du pouvoir, lorsque la confusion règne au sein de l’une des chambres et que le découragement envahit l’autre, il est manifeste qu’il y a quelque chose de faussé dans la pratique et d’irrationnel dans la théorie du gouvernement.

D’où vient que l’assemblée élective, plus propre à remuer les idées qu’à discerner les hommes, au lieu d’influer sur l’esprit du système, se préoccupe principalement du personnel, et que la chambre inamovible ne pèse ni sur l’un ni sur l’autre ? D’où vient que la pairie n’est guère pour l’opinion qu’une haute juridiction exceptionnelle ? Cet abaissement ne tient pas à sa composition ; car, bien que la faveur ait pu sans doute y donner accès, chacun rend hommage à ses lumières et aux nombreuses illustrations qui la décorent. Ce n’est pas, d’ailleurs, pour ses membres, une prérogative de peu de poids que l’inamovibilité qui leur est départie, car celle-ci protége tout ce qu’il est donné à la loi de garantir et d’atteindre dans une société où la