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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

me l’octroyer pour le présent, en réservant à l’hérédité ses chances éventuelles. Or, c’est surtout de celles-là qu’il importe de constater la vanité pour ne laisser s’implanter nulle part de dangereuses espérances. Je tiens donc cette impossibilité pour aussi absolue qu’elle est rationnelle en ce siècle.

La création d’une assemblée politique héréditaire serait en désaccord, non pas seulement avec le principe du gouvernement de 1830, mais avec les bases mêmes de la moderne société française. Ce serait la négation de la doctrine que celle-ci s’efforce de faire prévaloir depuis 1789, le coup mortel porté au gouvernement de la bourgeoisie, tel que nous avons essayé d’en déterminer les conditions. Si elle eut à lutter contre les mœurs dans ses efforts pour organiser un patriciat héréditaire, la restauration n’était pas du moins, dans une telle tentative, en contradiction avec elle-même ; mais comment concevoir un gouvernement reposant sur des influences essentiellement mobiles et viagères, et qui tenterait de les perpétuer par un mode en opposition directe avec leur principe ? Se figure-t-on bien la seconde génération d’un sénat formée des fils de professeurs, de gros banquiers, d’industriels, d’avocats, de députés et de généraux de la garde nationale, honorables et presque uniques notabilités d’un temps de paix, de travail et d’étude ? Voyez-vous, monsieur, dans le pays le moins aristocratique qui soit sous le soleil, les talons rouges de la bourse et de la salle des pas-perdus se choisissant des devises et se dessinant un écusson ? Ce n’est pas à un esprit tel que le vôtre qu’il faut apprendre que les lois consacrent bien les aristocraties existantes, mais qu’il ne leur est pas donné d’en créer, et que si sur le sol britannique, tout imprégné, pour ainsi dire, de cet élément, les illustrations récentes s’unissent sans effort aux illustrations antiques, sur notre terre de France, la poussière seule des champs de bataille sèche vite les lettres de noblesse. Et pourtant, s’il avait pu résister à l’Europe, le gouvernement de Napoléon lui-même n’eût-il pas succombé devant une réaction intérieure contre son aristocratie sans racines, le jour où la France, libre des soucis de la guerre, eût repris sa pente naturelle sur laquelle elle fut violemment arrêtée par l’empire, mais sans en être jamais détournée ? Le gouvernement de la bourgeoisie n’imitera pas Napoléon dans ses fautes sans avoir les mêmes excuses ; il comprendra que l’épreuve la plus propre à faire jamais remettre en question le titre de la royauté serait une tentative dont la responsabilité remonterait jusqu’à elle-même.

L’introduction de l’élément électif dans la composition de la cham-