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bre haute apparaît donc comme la solution finale du problème. Je n’admire pas l’élection en elle-même comme une infaillible manifestation de la suprême sagesse ; je sais que des législateurs de l’antiquité ont cru le sort moins aveugle. Mais je n’appartiens pas non plus à ceux qui, à l’aspect des embarras inséparables de ce système, s’écrient que c’est assez de l’avoir au Palais-Bourbon, sans l’introduire au Luxembourg. Un tel raisonnement me paraît de la force de celui de Ferdinand VII, lorsque, sous la constitution de Cadix, sollicité de se prononcer pour le parti bicamériste, ce prince répondait que c’était déjà trop d’une seule chambre, et qu’il n’en voulait pas deux. Qui ne voit, en effet, que si jamais l’élection est appelée à ranimer la vie politique éteinte au cœur de la pairie, ce sera en modérant par cela même celle de la chambre qui reçoit seule aujourd’hui cette populaire consécration, et qu’il s’agit moins au fond d’augmenter la puissance de ce principe que de la répartir d’une façon plus égale et dès-lors moins dangereuse ?

À quelle combinaison électorale l’avenir confiera-t-il la formation de la pairie ? Là gît toute la question, et, quoi qu’on puisse faire, elle ne sera jamais ailleurs.

Vous connaissez la France et vous savez si elle ne donne pas, à bien peu de chose près, tout ce qu’elle est actuellement en mesure de donner ; vous savez surtout qu’en faisant des électeurs, on ne fait pas des éligibles. Il est bien difficile de croire qu’en modifiant en quelque chose le cens électoral, qu’en le combinant avec certaines catégories de capacités exprimant des intérêts analogues à ceux que représente le cens lui-même, on arrive à des résultats notablement différens, soit pour la nomination de la chambre élective seule, soit pour la formation de deux assemblées politiques. En livrant la formation d’une pairie élective au corps électoral, on le mettrait probablement dans le cas de renvoyer la législature actuelle en partie double, et la France aurait alors deux assemblées à peu près identiques, et séparées par une simple cloison de sapin. Mieux vaudrait, au reste, cet état de choses que celui dont nous sommes menacés ; et je suis, pour ce qui me concerne, tellement préoccupé de l’anéantissement politique de la première chambre, que j’irais, je crois, jusqu’à subir même la gérontocratie de l’an III.

Notre unité gouvernementale interdit le mode d’élection du sénat américain, auquel chaque législature envoie deux membres. Demander, comme la Belgique et comme l’Espagne, le choix de nos sénateurs à des assemblées provinciales, soit directement, comme le fait