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ques vieillards. Cela est tout simple ; on arrive ici pour faire son chemin dans le monde, et non pas du tout quand on l’a fait. Je ne vois rien dans cette enceinte qui rappelle, même de loin, ce nombreux parti des country gentlemen, la force du parlement britannique, hommes riches et bien posés dans leur comté, qui, en devenant membres des communes, n’aspirent guère qu’au droit de placer deux initiales après leur nom. J’y trouve bien moins encore ces bourgmestres de nos bonnes villes, heureux de toucher pour leur session quelques thaler d’indemnité, et de paraître une fois aux fêtes de la cour. Tout ici respire l’ambition, non pas seulement cette ambition politique, légitime parmi les chefs d’une assemblée représentative, mais cette ambition moins parlementaire que je crois voir graduée sur les visages, depuis l’ambition des parquets de première instance jusqu’à celle du conseil d’état. Il me paraît évident qu’on vient ici dans son intérêt propre beaucoup plus que dans l’intérêt d’une idée. N’essayez pas, monsieur, ajouta le baron de N… en prévenant ma réponse, n’essayez pas de défendre vos compatriotes, car en ceci je ne les accuse nullement.

« Bien peu d’hommes ont aujourd’hui chez vous une existence faite, bien moins encore possèdent cette modération qui permet de vivre à côté de toutes les jouissances d’une civilisation raffinée, sans en éprouver le besoin. Les grandes fortunes territoriales disparaissent, et les fortunes industrielles sont peu nombreuses dans la plupart de vos provinces. Comment quitterait-on dès-lors ses intérêts, ses affections, pour venir, souvent à plus de deux cents lieues de distance, donner gratuitement tous ses soins aux affaires publiques pendant la moitié de l’année, sans aspirer à la seule compensation admise par la probité, l’éventualité d’une position pour les siens ou pour soi-même ? Les fonctions gratuites sont l’apanage aussi essentiel qu’exclusif de l’aristocratie. Lorsque Louis XVIII vous donna le gouvernement représentatif, il était tout simple qu’aspirant à la relever en France, il fit du mandat législatif une charge sans indemnité. Mais comment la révolution de juillet n’a-t-elle pas vu que, du jour où le pouvoir passait aux mains d’une autre classe et subissait l’influence d’autres principes, il fallait donner à l’indépendance des députés une garantie nouvelle ? » — Ici je m’attachai à expliquer à mon Allemand, dont l’audace réformatrice était très inattendue pour moi, la convenance de circonscrire, par des sacrifices pécuniaires et par un cens d’éligibilité, le nombre des médiocrités dont les menées obséderaient sans cela les colléges électoraux. J’ajoutais qu’il était difficile de