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MÉLANCTHON.

sous sa direction personnelle un certain nombre, auxquels il donnât un enseignement déterminé ; mais là il trouvait encore, outre la résistance des magistrats et celle des familles, lesquelles voulaient, comme à présent, une éducation hâtive, celle des professeurs eux-mêmes, que cette responsabilité directe eût incommodés, et dont un ou deux à peine savaient assez le latin ou le grec pour l’enseigner avec fruit. Réduit à ses propres forces, Mélancthon tâchait de corriger par son zèle les effets de cette mauvaise volonté universelle. Par ses exhortations, par l’autorité de son nom, il obtenait de quelques professeurs qu’ils se chargeassent d’une classe particulière, et des élèves qu’ils s’attachassent à un professeur et à son enseignement. Lui-même donnait l’exemple. Sa maison était une école publique de grec et de latin. Il tâchait de retenir le plus long-temps possible dans les études préliminaires et générales tant de jeunes intelligences qu’attiraient les nouveautés théologiques, et qui s’y précipitaient pour la plupart, sans provision et sans préparation, exposées à toutes les surprises et à toute la férocité des premiers mouvemens.

Quoiqu’il ne fût que simple professeur, et le plus jeune de tous, sa supériorité lui donnait le droit d’entretenir Spalatin de tous les besoins de l’académie. Il lui en écrivait fréquemment. Toutes ses vues sont justes et pratiques. Tantôt il demande qu’on ne confie pas l’explication de Pline l’ancien, auteur fort goûté dans ce temps-là et pendant tout le XVIe siècle, à un grammairien, mais à un naturaliste. Une autre fois il veut qu’on dédouble l’enseignement des mathématiques, et qu’on les divise en deux branches, dont on chargera deux professeurs, « afin, dit-il, de mettre de la clarté dans cette partie des études, si nécessaire, mais si obscure. » Il indique les professeurs pour chaque enseignement ; il demande qu’on applique aux besoins de l’académie les revenus des prébendes restées vacantes par la mort des titulaires. Enfin, dans l’entraînement universel vers la théologie, il lutte pour que les lettres profanes ne soient pas abandonnées, et que ceux qui ne sont pas attirés par une vocation irrésistible vers les saintes lettres, puissent du moins entrer dans le monde avec un esprit cultivé et de bonnes habitudes.

Le succès de l’académie de Wittemberg l’avait fait désirer comme professeur par plusieurs villes. Il se refusa à toutes les offres, par devoir envers l’électeur, et aussi par son penchant pour ses nouveaux amis, et pour leurs idées sur lesquelles le doute ne l’avait pas encore atteint. La plus embarrassante de ces offres fut celle de Reuchlin, qui