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REVUE. — CHRONIQUE.

réserve avec laquelle il a posé le problème de la réforme électorale et toutes les questions dans lesquelles il se subdivise. En examinant successivement si la proposition d’une réforme électorale est utile et opportune, si l’élection directe doit être maintenue, si le principe de l’adjonction des capacités, déjà admis dans la loi électorale, ne doit pas recevoir une application plus large, si les circonscriptions électorales actuelles satisfont aux conditions indispensables à toute élection politique, s’il ne faut pas demander certaines garanties à l’élu avant et après l’élection, si les fonctions de député doivent continuer à être gratuites, M. Odilon Barrot propose plutôt un sujet d’étude aux hommes politiques du parlement et de la presse, qu’il ne jette un cri de réforme. Aussi s’expose-t-il au double reproche d’être déclaré par les uns pusillanime, par les autres intempestif. Il n’en faut pas moins savoir gré à M. Barrot de sa modération, qui lui permettra de s’arrêter, et de bien constater les vœux et les besoins du pays avant de s’engager plus avant, et de s’efforcer, au milieu d’une indifférence générale, d’emporter de haute lutte des changemens peu désirés. Il peut sur ce point consulter M. Thiers, qui lui fera toucher au doigt l’état véritable de l’opinion, et le peu d’à-propos qu’il y a à vouloir lui inspirer une agitation factice. Nous sommes persuadés que M. Thiers ne voit pas dans l’adjonction des capacités une révolution sociale ; mais il a peu de goût pour ces changemens, qui sont plutôt des fantaisies que des nécessités, pour ces programmes qui semblent plutôt une distraction de députés en vacances qu’une œuvre politique, pour ces remaniemens d’institutions que la voix unanime de la France ne réclame pas impérieusement. Les véritables hommes d’état ne font pas du dieu Terme leur idole, mais ils se défendent de cette mobilité inquiétante qui introduit l’instabilité dans les lois. M. Thiers ne manquera pas d’excellentes raisons pour démontrer à M. Barrot que la réforme électorale n’est pas aujourd’hui une question politique, qu’elle n’est ni un désir du pays ni un remède aux inconvéniens que peut présenter la situation ; et s’il ne parvient pas à le persuader, à coup sûr il ne le suivra pas dans une manifestation sans à-propos et sans portée.

Il n’est guère possible qu’un homme comme M. Thiers ne soit pas l’objet d’une attention constante, tant de la part de l’opposition, qui cherche à s’autoriser de son nom, que des ministres, qui voient toujours en lui un concurrent redoutable. Il paraîtrait en effet que, préoccupés des soucis de la session, quelques amis du ministère ont eu sérieusement l’idée, en ralliant aux 221 mécontens ce qui reste de 213 fidèles au président du 22 février, de porter M. Thiers à la présidence de la chambre : ils n’ont oublié que d’obtenir son agrément. Une autre combinaison, plus récente, est venue croiser l’autre ; des amis et des membres du ministère, plus affectionnés à M. Guizot, et ne pouvant lui faire en ce moment la place qui tôt ou tard le réclame, ont pensé pour lui au fauteuil de la présidence. Mais nous croyons qu’ils ont trop oublié aussi sa vraie convenance à lui, et, disons-le, l’intérêt même de leur idée. Des hommes comme M. Guizot et M. Thiers, si bien placés qu’ils soient à la présidence de la chambre, ont mieux à faire que de remplir le fauteuil, quand