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sidérer comme le palladium de tous ses droits. Pour parer à des dangers que ne contestait pas la loyauté de l’opposition, des combinaisons nombreuses furent essayées[1] ; elles aboutirent au double vote, système impopulaire et bâtard qui maintenait l’élection directe à laquelle le ministère avait vainement essayé d’échapper. Or, telle est la puissance de cet instrument, telle est surtout en ce pays la domination exercée par les circonstances sur l’opinion publique, que le même corps électoral qui, après les monarchiques triomphes d’Espagne, avait donné à l’extrême droite une chambre selon son cœur, donna bientôt au centre gauche l’assemblée du sein de laquelle allait sortir une révolution.

De la mobilité de ces jugemens sur les personnes et sur les choses, il y aurait de graves enseignemens à recueillir, et ceux-ci pourraient légitimer quelques doutes sur l’excellence d’une forme électorale qui a moins pour effet d’exprimer l’opinion que de l’impressionner, et qui manque de vérité en ce qu’elle excite les passions plutôt qu’elle n’interroge scrupuleusement la conscience publique.

J’ignore si l’opinion doit un jour se modifier sur ce point ; mais, en tout cas, ce n’était pas immédiatement après 1830 qu’on pouvait être admis à contester les avantages d’un mode dont les vicissitudes avaient provoqué les éclatans évènemens qui venaient de s’accomplir. En se bornant à stipuler que l’organisation des colléges électoraux serait réglée par des lois, la charte nouvelle permettait, il est vrai, d’ouvrir sur l’ensemble du système une controverse plus large et plus facile, puisqu’aucune condition n’était désormais constitutionnellement déterminée, et que le système électoral perdait son caractère organique pour passer dans le domaine moins immuable de la

  1. Selon le premier projet, présenté en 1820, 258 députés devaient être nommés par les colléges d’arrondissement, et 172 par les colléges de département, formés de 100 à 600 électeurs, payant 1,000 francs de contributions, et choisis eux-mêmes par les colléges d’arrondissement à la majorité des suffrages (art. 1 et 2). Ce projet, sur lequel la discussion parlementaire ne s’ouvrit pas, introduisait aussi le principe du vote public, emprunté à un tout autre ordre d’idées, ainsi que nous le montrerons bientôt, en statuant que chaque électeur devait signer son bulletin ou le faire certifier par un membre du bureau (art. 30). On sait que le second projet, modifié par l’amendement de M. Bouin et converti en loi le 29 juin 1820, établissait un collége départemental et des colléges d’arrondissement ; 258 députés étaient attribués à ces derniers ; 172 membres nouveaux étaient nommés par le collége de département, composé des électeurs les plus imposés, en nombre égal au quart de la totalité des électeurs du collége.