Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/408

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
404
REVUE DES DEUX MONDES.

la polémique de Bossuet ? Les croyances disputées sont les seules qui soient profondes, outre que les mêmes combats qui renouvellent les esprits, renouvellent les caractères. Aux époques dont je viens de parler, les grandes vertus se trouvaient du même côté que les grands talens.

Au reste, il est temps que je quitte ce terrain, où je me sens mal assuré, ne pouvant rien affirmer avec autorité, ni exprimer de doutes utilement et avec convenance, et j’ai hâte de montrer dans Mélancthon le réformateur littéraire. Là du moins les contradictions sont moins à craindre, et ont peu de conséquence. Je n’y rencontrerai ni les protestans, pour interpréter sa modération par sa faiblesse de caractère plutôt que par l’excellence de son esprit ; ni les catholiques, pour l’accuser de n’avoir pas été modéré jusqu’à passer de leur côté. Les services qu’il a rendus à ce qui, sous le nom de philosophie, embrassait alors toute la science humaine, ne peuvent être ni contestés ni interprétés à mal, puisque, grace à Dieu, il n’y a pas un parti de l’ignorance et de la vie sauvage. Quiconque aime les lettres pour elles-mêmes, et en a goûté la douceur dans le commerce des grands écrivains de l’antiquité, honorera sans réserve l’homme qui a reçu dans sa patrie le titre de précepteur commun de l’Allemagne.

C’est le plus modeste des titres ou c’est l’un des plus grands, selon le théâtre où le précepteur donne ses leçons. Quand l’école se compose d’un grand peuple, il n’y en a pas de plus beau ni de plus à envier. Je ne trouve, dans l’histoire de ce temps-là, que Mélancthon qui en ait été honoré. C’est là en effet sa gloire très particulière, qu’à côté de ceux qui exhumaient les monumens de l’antiquité, et étaient souvent éblouis eux-mêmes par le flambeau qu’ils rallumaient, Mélancthon faisait arriver jusqu’aux petits enfans quelques lueurs de la sagesse antique.

Il fut pour les lettres ce qu’il avait été pour la réforme ; il n’imagina rien, il appropria ce qui avait été fait. Pourquoi lui donnerais-je une gloire à laquelle il s’est refusé ? La grande pensée de la réforme comme de la renaissance, c’est le retour aux sources même. Or, Luther pour la réforme, pour la renaissance l’Italie tout entière, et en Allemagne, Érasme et Reuchlin, avaient rouvert les livres. Mais pendant que Luther s’enivrait de la nouveauté de ses interprétations, et qu’Érasme écrivait d’agréables livres pour les lettrés de l’Europe, Mélancthon mettait en catéchisme la théologie nouvelle, et faisait des grammaires pour apprendre aux enfans à lire les anciens.

Dans les lettres comme dans la religion, il ne recherchait que la gloire d’approprier les choses à l’entendement de la jeunesse. Mais