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MÉLANCTHON.

servent à la conduite de la vie, et, dans les mots, plus à la grammaire qu’au génie des langues. Mélancthon conçut les lettres comme la religion : les unes doivent gouverner les actions dans la vie civile, comme l’autre doit gouverner la conscience dans les choses de foi. Il ne voulut rien d’académique, rien qui ne fût donné qu’à l’esprit. Pour lui, les poètes, les orateurs, les historiens, étaient d’admirables précepteurs qui nous apprennent par des voies agréables à distinguer le bien du mal, le vrai du faux, à être tolérans, réservés, pacifiques, à nous défendre et, s’il le faut, à nous sacrifier. Dans ses charmans avis aux étudians, il ne manquait guère de dire quels rapports les leçons qu’il allait faire avaient avec la vie pratique. Il y a toujours deux choses dans son cours : la matière du cours et le but. La matière, c’est quelque auteur ou partie d’un auteur ancien ; le but, c’est une application déterminée, soit à la vie pratique en général, soit, en certaines circonstances, à des évènemens contemporains qui pouvaient exiger des étudians une conduite particulière. Mélancthon n’aurait pas imaginé de faire un cours, pour n’y montrer que son esprit, ou pour n’y faire que les affaires de son ambition.

Et au sujet de ces avis développés, que le professeur adressait en son nom aux étudians, en prose et quelquefois en vers, que l’on me permette, si ce n’est pas une superstition de mon sujet, de les préférer à ces programmes placardés aux murs de la Sorbonne, où il n’y a ni vers ni prose, mais des titres, des noms, et les jours et heures des cours. Ces communications entre le professeur et les élèves étaient toujours utiles, et, dans certains cas, touchantes. Mélancthon n’eût pas manqué à une leçon sans en faire savoir le motif : parlant de sa santé, de ses fatigues, si l’empêchement venait de là ; et, en aucun cas, ne se faisant seul juge du motif ou de l’obstacle qui le forçait à remettre son cours au lendemain.

Il est vrai que le talent du professeur était pour beaucoup dans le charme et l’intérêt de ces avis : car j’en vois plusieurs qui sont écrits par Mélancthon pour ses collègues ; et c’est peut-être ce qui justifie les programmes. C’est une invention de l’esprit d’égalité : elle nivelle tout le monde ; elle met Tartaretus au même rang que Mélancthon.

Je ne regrette guère moins cet autre usage de recommander aux élèves, sous la même forme, les bons livres qui se publiaient. Il y a des exemples de ces avis, où Mélancthon les invite tout naïvement à acheter ces livres. « L’ouvrage se vend, dit-il d’un traité de saint Augustin, chez l’imprimeur Joseph. J’invite les étudians à l’acheter