Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/416

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
412
REVUE DES DEUX MONDES.

sées, nobles, fructueuses ? Qui peut connaître, si ce n’est Dieu, tout ce que fit germer, dans les esprits qui se formèrent sous sa discipline, cette semence choisie, tout ce qui partit de ce foyer pour se répandre autour de lui et dans toute l’Europe ? Il reste un curieux témoignage de ce qu’était son enseignement à Wittemberg : c’est le partage qu’en firent ses collègues après sa mort. Il n’en fallut pas moins de quatre pour suffire à cet héritage, « en attendant, dit l’académie, qu’on trouvât un homme, s’il en existait, qui pût reprendre le fardeau tout entier[1]. » Vitus Ortelius, docteur en médecine, qui enseignait depuis quarante ans l’éloquence et la langue grecque, se chargea des cours de dialectique et d’expliquer Euripide à la place de Mélancthon. C’étaient quatre leçons par semaine. Il promit en outre aux élèves qui commençaient l’étude du grec de leur enseigner une fois par semaine la grammaire de Mélancthon. Paul Eberus, pasteur, quoique chargé du gouvernement de l’église de Wittemberg, consentit à remplacer Mélancthon, deux jours par semaine, pour la leçon de théologie, et le dimanche dans cette leçon du matin qu’on se souvient que Mélancthon appropriait à la solennité du jour. Pierre Vincent eut à expliquer les éthiques d’Aristote, tous les mercredis. Enfin Peucer, le gendre de Mélancthon, fut chargé de continuer à dicter la chronique, ou histoire universelle, que Mélancthon avait menée jusqu’à Charlemagne.

« Nous avons distribué de telle sorte, dit ce dernier, dans son discours d’ouverture, les travaux interrompus par sa mort, que le fardeau qu’il a porté sur les épaules et soutenu avec les forces d’Atlas, nous nous le sommes partagé entre plusieurs, réunissant nos efforts et nos conseils, pour prévenir la chute de cette école qui a subsisté et prospéré par lui. » Et il ajoute : « C’est pour empêcher que dans ce malheur public vous ne perdiez courage, et ne désespériez du sort des études, que nous avons résolu de poursuivre et de presser les travaux abandonnés par lui, et de donner tous nos soins pour assurer par la diligence, l’assiduité, la fidélité au devoir, ce que nous ne pourrions obtenir par le talent, l’expérience, l’abondance et la variété des connaissances. » Dans cet écrit sur les changemens qui vont avoir lieu dans les cours, l’académie de Wittemberg est comparée au navire Argo et Mélancthon au pilote Typhis. Mais la douleur y est si vraie, qu’elle perce à travers ces souvenirs de la mythologie antique,

  1. Scriptum publice propositum de ordine aliquot lectionum publicarum constituto, post pium et felicem obitum D. Philippi Melancthonis.