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LA COMÉDIE AU DIXIÈME SIÈCLE.

les prêtres païens poursuivent la condamnation d’Agnès ; celle-ci, qui consent au martyre, meurt sous l’épée du bourreau, et va prendre place auprès de Jésus-Christ, dans le chœur immortel des vierges[1]. Ces huit poèmes sont suivis d’un court épilogue en prose, qui est commun aux poèmes et aux comédies, et qui semble prouver que ces deux recueils, encadrés en quelque sorte entre une préface générale et un épilogue, ont été disposés pour la publication par l’auteur même dans l’ordre où nous les présente le manuscrit de Munich. Plusieurs biographes, entre autres Tritheme[2], citent de Hrosvita un livre d’Épigrammes et d’Épîtres qui n’est point dans le manuscrit de Munich, et n’a été découvert nulle part ailleurs. Il est possible que ces épigrammes et ces épîtres ne soient que les préfaces et les dédicaces en vers et en prose que Hrosvita a mises au-devant de la plupart de ses écrits.

On peut deviner, d’après la nature des sujets mis en vers par Hrosvita, quelle sera la couleur générale de son théâtre. Honorer et recommander la chasteté, tel est le but presque unique que se propose la pieuse nonne. C’est à cette louable intention qu’il faut attribuer ce qu’il y a ordinairement d’un peu chatouilleux dans les sujets qu’elle s’impose. Elle nous explique elle-même ingénument sa pensée dans la préface qui précède ses comédies. « J’ai voulu, dit-elle, substituer d’édifiantes histoires de vierges pures aux déportemens des femmes païennes. Je me suis efforcée, selon les facultés de mon faible génie (juxta mei facultatem ingenioli), de célébrer les victoires de la chasteté, particulièrement celles où l’on voit triompher la faiblesse des femmes, et où la brutalité des hommes est confondue[3]. » Or, pour montrer ces triomphes féminins dans tout leur éclat, il était nécessaire que ces chastetés de femmes fussent exposées aux plus grands périls. De là le choix des légendes que nous avons vues et que nous verrons encore, toutes au fond très édifiantes et très morales, mais qui roulent presque toutes sur des aventures propres à alarmer la modestie. Il est juste d’ajouter que si les sujets traités par Hrosvita sont pris d’ordinaire dans un ordre de faits et d’idées qui semblent périlleux pour la décence, la diction de la pieuse nonne demeure toujours aussi pure et aussi chaste que ses intentions sont candides et irréprochables.

  1. L’histoire d’Agnès, écrite par saint Ambroise, se trouve dans les Bollandistes ; voy. Act. Sanct., 21 januar., tom. II, pag. 351, seqq.
  2. Chron. Hirsang., tom. I, pag. 113.
  3. In sex comœdias suas prœfatio.