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LA COMÉDIE AU DIXIÈME SIÈCLE.

Paphnuce. — Quand vous m’aurez entendu, vous n’aurez pas lieu de vous réjouir.

Les disciples. — Trop souvent, nous le savons, on ne trouve qu’un chagrin au fond de la curiosité satisfaite. Toutefois, nous ne pouvons surmonter la nôtre : c’est un défaut inhérent à la faiblesse humaine.

Paphnuce. — Une femme impudique est venue habiter dans notre pays.

Les disciples. — C’est un évènement périlleux pour les habitans.

Paphnuce. — Cette femme, en qui brille une admirable beauté, se souille des impuretés les plus horribles.

Les disciples. — Malheur déplorable ! Quel est son nom ?

Paphnuce. — Thaïs.

Les disciples. — Thaïs, la courtisane ?

Paphnuce. — Elle-même.

Les disciples. — Sa vie infâme est connue de tous.

Paphnuce. — Il ne faut pas s’en étonner, car il ne lui suffit pas de courir à sa perte avec un petit nombre d’amans ; elle s’efforce de séduire par ses charmes et d’entraîner à leur ruine tous ceux qui l’approchent.

Les disciples. — Calamité funeste !

Paphnuce. — Non-seulement les étourdis dissipent avec elle le peu de biens qui leur reste ; mais les premiers citoyens de la ville consument leurs richesses pour l’enrichir à leurs dépens.

Les disciples. — Cela fait frémir d’horreur.

Paphnuce. — Des troupeaux d’amans affluent chez elle.

Les disciples. — Ils se perdent eux-mêmes.

Paphnuce. — Ces insensés, aveuglés par leurs désirs, se disputent l’entrée de sa maison. Ce lieu retentit de leurs querelles.

Les disciples. — Toujours un vice en engendre un autre.

Paphnuce. — Puis ils en viennent aux coups ; tantôt ils se meurtrissent le visage, tantôt ils recourent aux armes, et inondent de sang le seuil de ce séjour infâme.

Les disciples. — Excès détestables !

Paphnuce. — Voilà les injures au Créateur sur lesquelles je pleurais ; vous savez la cause de ma douleur.

Les disciples. — Ce n’est pas sans motif que vous vous affligez, et nous ne doutons pas que les citoyens de la patrie céleste ne soient contristés comme vous l’êtes.

Paphnuce. — Si j’allais la trouver sous les dehors d’un amant ? peut-être pourrais-je l’empêcher de persévérer dans ces désordres ?

Les disciples. — Puisse celui qui a versé ce dessein dans votre ame en assurer la réussite !

Paphnuce. — Prêtez-moi cependant le secours de vos prières assidues, pour que je ne succombe pas aux piéges du serpent tentateur.

Les disciples. — Que celui qui a terrassé le roi des régions ténébreuses vous fasse triompher de l’ennemi du genre humain !