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UN VOYAGE EN CHINE.

vives étrangers, et au-dessus on lit les noms des dignitaires du couvent et le nombre de jours que leurs fonctions doivent durer, ce qui me fit supposer que ces fonctions sont temporaires ou électives. Cette salle était encore ornée de plusieurs autres inscriptions que je n’ai pu retenir, M. Hunter m’ayant assuré que les bonzes ne me verraient pas écrire ou dessiner de bon œil. Je ne me rappelle que deux de ces inscriptions ; l’une était, si je ne me trompe : Il y a des pensées dans les livres comme dans le cœur de l’homme, et l’autre : Chacun est heureux ou malheureux suivant son imagination.

L’étage supérieur est consacré tout entier au dieu Boudha ; il forme une immense chapelle, décorée avec plus de luxe que toutes les autres. Sur les murs extérieurs sont écrits les noms des étrangers qui ont visité ce lieu ; quelques-uns remontent au commencement du dernier siècle. De la galerie qui entoure cette chapelle, nos yeux plongèrent jusqu’au centre de la ville intérieure ; ils purent embrasser toute cette immense étendue que couvrent la ville et les faubourgs de Canton. C’est une plaine qui s’étend sur une circonférence d’environ six lieues ; des montagnes assez élevées la bornent au nord, la rivière au sud. Nous suivîmes de l’œil la muraille flanquée de tours qui sépare les deux villes ; cette muraille peut avoir trois lieues de long, et forme un demi-cercle de l’est à l’ouest. La ville intérieure nous parut, à en juger par la quantité d’arbres que nous aperçûmes, contenir de nombreux jardins. De cet endroit, nous découvrîmes aussi la demeure du vice-roi, qui ne me sembla différer en rien des autres maisons de la ville, si ce n’est qu’elle occupe un espace de terrain plus considérable, qui se prolonge jusqu’à la rivière. Nous ne pûmes jeter qu’un regard à la dérobée sur l’image de Boudha ; la chapelle était fermée. Mais j’aurai occasion de revenir sur ce dieu. En descendant de la galerie où nous nous trouvions, nous vîmes une autre chapelle que How-qua fit bâtir après la mort de son fils aîné. Cette chapelle est consacrée au dieu aux mille bras ; le nom chinois de ce dieu, si je ne me trompe, est Bohee ; ses attributions sont l’omnipotence, l’omniprésence et l’omniscience. Il est le distributeur de tous les biens et de tous les maux ; ses mille bras sont l’emblème de sa grande puissance. S’il est donné, en effet, à l’homme de faire tant de choses avec deux bras seulement, rien ne doit être impossible au dieu qui en a mille.

Après avoir payé notre tribut d’hommages à Bohee, nous revînmes à l’étage inférieur ; on nous fit suivre un autre couloir, qui nous conduisit à la chapelle de Boudha femme. Cette chapelle, plus petite que toutes les autres, est l’objet d’une grande vénération parmi les sectateurs de Boudba. Elle était déjà en partie préparée pour les fêtes du nouvel an ; de grands tableaux de papier couvraient les murs latéraux ; ces tableaux, au nombre de dix, représentaient les diverses scènes des dix enfers chinois. À la partie supérieure de chaque tableau est assis, avec sa figure rébarbative, le Minos chinois, qui est un des ministres de Boudha ; auprès de lui et dans la même pagode, on aperçoit une jeune beauté, placée là sans doute pour adoucir la rigueur des arrêts qui sortent de la bouche du juge. Au-dessous du tribunal, les satellites de l’enfer amènent le coupable, vêtu comme il l’était sur la terre ; un médaillon