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UN VOYAGE EN CHINE.

crise telle qu’en éprouvent, à de longs intervalles, tous les états. Les élémens de création et d’industrie n’en existent pas moins chez nous ; nous n’avons besoin que de les ranimer et de leur donner une nouvelle vie. Un demi-siècle de guerres continuelles, pendant lesquelles nos ports ont été bloqués et notre industrie resserrée dans le cercle de nos besoins intérieurs, a dû nécessairement paralyser toutes nos relations et créer pour nous d’innombrables difficultés. Lorsque la paix est venue ouvrir nos ports, lorsque notre commerce a pu entrer en lice, nous avons trouvé, sur tous les marchés du monde, une concurrence redoutable. Nos rivaux s’étaient, pendant notre longue inaction, emparés de tous les débouchés, il les avaient pour ainsi dire conquis ; nous avions à lutter contre leur vieille expérience, contre les grands capitaux qu’un commerce non interrompu avait mis entre leurs mains, contre l’activité stimulée de leurs manufactures, contre les habitudes des populations, et enfin contre les tarifs qu’une influence rivale et victorieuse avait imposés à presque tout le monde commerçant. Il n’est donc pas étonnant que nous ayons presque toujours succombé, que nous n’ayons fait que glaner là où les autres ont recueilli une si riche moisson, que nous n’ayons pris que ce qu’on a bien voulu nous laisser. Parcourez le globe, et vous verrez qu’en tout pays tous les objets de consommation générale, ceux qui sont d’une nécessité première et incessante, sont presque exclusivement fournis par les Anglais ; que notre commerce à nous est réduit à n’apporter aux populations des pays éloignés que les objets de luxe qui donnent quelquefois de grands bénéfices, mais dont la vente est toujours subordonnée à des chances de prospérité locale. Ainsi, une cargaison française se vendra avantageusement, s’il y a excédant de numéraire dans le pays sur lequel elle est dirigée ; l’opération sera malheureuse, si une guerre civile ou une mauvaise récolte ne permettent pas au pays d’acheter du superflu. Une cargaison d’articles anglais est, au contraire, toujours assurée d’une vente plus ou moins avantageuse, car elle se compose d’objets dont les populations éloignées ne peuvent se passer : il faut, avant tout, qu’elles s’habillent et qu’elles satisfassent aux besoins de leur agriculture et de leur industrie.

De cette infériorité relative de notre commerce naissent tous les reproches qu’on ne cesse de lui faire, peut-être injustement. Qu’on lui donne les moyens d’action que possède le commerce anglais, et on ne pourra plus bientôt l’accuser ni de petitesse de vues ni de mesquinerie d’exécution. Ouvrez-lui des voies larges, donnez-lui, au même point que chez nos voisins, les deux élémens indispensables du commerce d’importation, les articles d’encombrement pour l’aller et des chargemens pour le retour, et vous verrez que ses allures deviendront immédiatement plus franches et surtout plus faciles. Jusque-là, ne nous étonnons pas s’il cherche quelquefois à suppléer, par des moyens souvent injustifiables, à sa faiblesse, et à éluder une lutte qu’il lui est de toute impossibilité de soutenir.

Je le répète, nous sommes en grande voie de progrès ; ne nous décourageons donc pas. C’est au commerce de seconder les efforts du gouvernement,