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Mais, laissant la foule de détails qui peuvent faire penser à lui, c’est dans la cathédrale et dans l’église de Santa-Maria-Novella qu’il faut chercher Dante à Florence.

Dans la première de ces deux églises est un curieux tableau qui, placé maintenant moins haut qu’il ne l’était par le passé, se voit beaucoup mieux et méritait d’être bien vu. Dante, vêtu d’une robe rouge, tenant son livre ouvert, est au pied des murs de Florence, dont les portes sont fermées pour lui. Tout près, on voit l’entrée des gouffres infernaux ; Dante les montre de la main, et semble dire à ses ennemis : Vous voyez la place dont je dispose. Mais il y a plus de douleur que de menace sur son visage qu’il penche tristement. La vengeance ne le console pas de l’exil. Plus loin s’élève la montagne du purgatoire avec ses rampes circulaires, et au sommet l’arbre de vie du paradis terrestre. Le paradis est désigné par des cercles un peu indistincts qui entourent toute la composition. Dante est là avec son œuvre et sa destinée. Cette curieuse représentation est de 1450. Son auteur fut un religieux qui expliquait alors la Divine Comédie dans la cathédrale. Ainsi, cent trente ans après la mort de Dante, un cours public sur son poème avait lieu dans la cathédrale, et on suspendait aux parois de l’église l’image du poète à côté de celles des prophètes et des saints.

À Santa-Maria-Novella, il est plus extraordinaire encore de trouver, non pas son portrait, mais celui de son enfer. Orgagna a couvert tout un mur de chapelle[1] d’une vaste fresque. La distribution du séjour des damnés, selon la Divine Comédie, est reproduite dans le plus grand détail et avec une scrupuleuse exactitude, comme si c’était article de foi et non fiction de poésie.

Ceci est bien autre chose que l’enfer du Campo-Santo de Pise ; ici se retrouve toute la topographie de l’enfer dantesque, autant du moins que la surface dont le peintre pouvait disposer le lui a permis. Ainsi il n’y a pas eu place dans le champ de la fresque pour les hypocrites, mais le nom est écrit à l’extrémité du tableau, et montre l’intention où eût été le peintre de les y faire entrer si l’espace ne lui avait

    plaisait aux expressions douloureuses, imagina de faire supporter par des figures souvent très petites des masses énormes ou des piliers d’un grand volume. Visconti cite les vers de Dante comme exprimant une désapprobation de ce genre d’architecture. Je ne crois pas que le poète ait eu cette intention ; mais il a exprimé énergiquement le sentiment de malaise et de tristesse qu’une telle vue lui faisait éprouver.

  1. C’est la quatorzième en commençant par la droite.